- Les fluoroquinolones, antibiotiques très prescrits en France, sont efficaces mais présentent des effets secondaires graves et parfois irréversibles. L’ANSM a recensé 736 cas entre 2017 et 2023, dont un tiers hors autorisation de commercialisation.
- Malgré une baisse de 50 % des prescriptions depuis 2014, leur utilisation reste élevée : la France en prescrit deux fois plus que l’Allemagne ou la Belgique.
- L’ANSM rappelle que ces antibiotiques ne doivent être utilisés qu’en dernier recours et après avoir informé les patients des risques.
L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié, jeudi 20 février, deux expertises confirmant la grande toxicité des fluoroquinolones. Ces antibiotiques, parmi les plus prescrits en France, sont connus pour leur efficacité, mais aussi pour leurs effets secondaires "rares" mais "graves", selon son communiqué. Pourquoi ces traitements restent-ils si couramment utilisés malgré les risques qu'ils présentent ?
Des effets secondaires invalidants et persistants
Les fluoroquinolones, présentes dans des antibiotiques comme Ciflox, Tavanic ou Oflocet, sont encore trop souvent prescrites pour des infections bénignes telles que des cystites, des rhinites ou encore des diarrhées. Or, selon l’ANSM, ces médicaments peuvent entraîner des effets indésirables, "invalidants, persistants et potentiellement irréversibles", affectant les muscles, les articulations et le système nerveux (neuropathies périphériques). Entre 2017 et 2023, 736 cas d'effets secondaires graves ont été recensés par les centres régionaux de pharmacovigilance de Paris et de Marseille.
Les effets indésirables des fluoroquinolones peuvent apparaître dans les 48 heures suivant le début du traitement, mais aussi plusieurs mois après son arrêt. Leur durée varie d'un patient à l'autre. L'ANSM recommande de consulter un médecin en cas de douleurs articulaires ou musculaires, de faiblesse inhabituelle dans les bras ou les jambes, ou de palpitations cardiaques. Quant aux douleurs abdominales, thoraciques ou dorsales soudaines et intenses, elles doivent inciter à une consultation en urgence.
Un fait inquiétant ressort de ces expertises : au moins un tiers de ces patients victimes de ces effets indésirables se sont vus prescrire ces antibiotiques hors autorisation de commercialisation (AMM). "C’est pourquoi nous rappelons aux professionnels de santé que ces antibiotiques ne doivent être prescrits que lorsque leur utilisation est indiquée et après avoir informé le patient des risques potentiels", indique l'Agence du médicament, précisant qu’ils "ne doivent pas être utilisés dans des situations où le recours à d’autres antibiotiques est possible".
Une utilisation excessive en France
Sur son site, l’ANSM rappelle quand les fluoroquinolones ne doivent pas être prescrites : pour traiter des infections non sévères ou spontanément résolutives, des infections non bactériennes comme la prostatite chronique, ou des infections de sévérité légère à modérée (cystite par exemple) ; pour prévenir la diarrhée du voyageur (turista) ; à des patients ayant déjà présenté des effets indésirables graves avec un antibiotique de la famille des quinolones/fluoroquinolones.
Bien que l'Agence du médicament ait constaté une diminution de 50 % des prescriptions de fluoroquinolones entre 2014 et 2023, leur usage demeure très élevé. Chaque année, 2,2 millions de doses sont délivrées en ville. Une consommation inférieure à la moyenne européenne, mais nettement plus élevée qu'en Allemagne ou en Belgique. Selon une étude réalisée en janvier par le groupement d'intérêt Epi-Phare (créé par l’ANSM et la Cnam) en collaboration avec l'Inserm, la France prescrit ces antibiotiques deux fois plus que ces pays voisins.
Cette différence s'explique notamment par les mesures de restriction mises en place en Belgique, où un processus de remboursement plus strict a permis de réduire la consommation d'antibiotiques de 9,1 % à 6,5 %. Cette proportion reste toutefois supérieure à l'objectif de 5 % fixé par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).