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Témoignage patient

Obésité : “Je mangeais mes émotions, la nourriture était ma première béquille”

Par Alexandra Wargny Drieghe

Régimes drastiques, effet yoyo, perte d’estime de soi, douleurs, stigmatisation… Catherine nous raconte comment l’obésité a façonné une trentaine d’années de sa vie, jusqu’à ce qu’elle arrive à combattre cette maladie grâce à des professionnels de santé qui lui ont proposé une approche de soins multidimensionnelle.

Ildar Abulkhanov/Istock
Victime de l’effet yoyo, Catherine a vu l’obésité s’installer à coup de régimes drastiques. “Je perdais 10 kilos puis j’en reprenais 15, et au fur et à mesure, cela devenait de plus en plus compliqué de perdre du poids."
Cela a duré une trentaine d'années : "Ce n’est qu’en 2021, avec l’aide de professionnels de santé qui avaient une approche totalement différente de la question du poids, que les choses ont changé”.
“Ma vision de la maladie a changé, je suis beaucoup plus bienveillante avec moi-même et j’aimerais le transmettre", explique-t-elle.

Pour Catherine tout a commencé au début de l’âge adulte, avec un régime à 18 ans. “Je ne me souviens même pas pourquoi j’ai voulu faire ce premier régime car je n’avais pas de problème de poids, mais j’ai perdu 10 kilos en deux mois, si bien que je me suis dit que c’était facile de perdre du poids. Avec le recul, je me rends compte que je me suis affamée”, m’explique-t-elle. Diktat de la minceur véhiculé dans les magazines ? Souffrance psychique qui s’est manifestée à travers l’alimentation ? Toujours est-il qu’il était trop tard pour Catherine car elle avait mis le doigt dans l’engrenage. Une trentaine d’années plus tard, alors qu’elle sort tout juste la tête de l’eau, elle nous partage son histoire.

Je me suis souvent sentie seule et en décalage.

Victime de l’effet yoyo, la Francilienne a vu l’obésité s’installer à coup de régimes drastiques. “Je perdais 10 kilos puis j’en reprenais 15, et au fur et à mesure, cela devenait de plus en plus compliqué de perdre du poids. Pendant toutes ces années, je pensais pouvoir m’en sortir seule alors qu’il faut entreprendre une démarche pluridisciplinaire avec plusieurs spécialistes.” Comme de nombreuses personnes souffrant de complexes, la cadre supérieure s’isole et se prive de nombreux plaisirs du quotidien. “J’ai plusieurs fois renoncé à m’asseoir sur la terrasse d’un café car les chaises étaient trop petites et qu’il n’y avait pas assez d’espace entre les tables… Mais je ne pouvais confier à personne ce que je ressentais car je n’avais aucun membre de mon entourage qui avait des problèmes de poids. Je me suis souvent sentie seule et en décalage alors que j’avais une vie professionnelle bien riche.” Si quelques maladresses ont parfois eu lieu de la part d’un collègue de travail qui la félicite pour sa grossesse -non existante-, Catherine souligne qu’elle a rarement eu des remarques déplacées au sujet de son poids.

Au début, je ne comprenais pas pourquoi la diététicienne ne me parlait jamais de calories.

Au fil des années, j’ai tout de même rencontré plusieurs médecins nutritionnistes, des diététiciennes, j’ai fait des cures… J’ai eu plusieurs rendez-vous avec de grands spécialistes nourris d’espoir, mais rien n’aboutissait. Finalement, ce n’est qu’en 2021, avec l’aide de professionnels de santé qui avaient une approche totalement différente de la question du poids, que les choses ont changé.” En effet, Catherine qui est autant épuisée physiquement que mentalement, se sent prête à passer le cap de l’opération bariatrique pour faire une sleeve. Mais elle doit d’abord -comme tous les patients souhaitant entrer dans ce protocole suivre un parcours pré-opératoire pendant au moins six mois. Au programme : rendez-vous avec le chirurgien, rencontre avec un·e psychomotricienne, un·e psychologue, un·e diététicien·ne, etc. Le but ? Accompagner le patient dans son parcours médical pour lui donner toutes les chances de réussite. “Au début, je ne comprenais pas pourquoi la diététicienne ne me parlait jamais de calories. Puis, j’ai découvert la psychomotricité et j’ai beaucoup échangé avec la psychologue. Cela m’a aidée à modifier mon rapport à l’alimentation. Je me suis aperçue que je mangeais mes émotions, surtout quand cela allait mal : une petite contrariété au travail, du stress, de l’ennui… J’anesthésiais tout avec la nourriture qui était ma première béquille.”

Je n’ai plus de douleurs aux chevilles ou aux genoux quand je marche.

La cinquantenaire apprend progressivement à remettre l’alimentation à sa juste place. En six mois, elle perd six kilos sans faire de régime. “Cela peut paraître peu, mais j’ai compris que c’était le début de quelque chose.” Catherine peut alors accéder à l’intervention chirurgicale. La sleeve gastrectomie est une opération de chirurgie bariatrique visant à réduire le volume de l’estomac pour aider le patient à perdre du poids. Les personnes avec une obésité sévère peuvent y avoir accès sous certaines conditions.

L’opération s’est très bien passée et aujourd’hui, j’ai retrouvé une silhouette qui me permet d’être en meilleure forme. Je n’ai plus de douleurs aux chevilles ou aux genoux quand je marche, je ne transpire plus excessivement l’été, je peux m’habiller plus facilement et dans les transports en commun par exemple, je peux m’asseoir où je le souhaite”, me dit-elle avec une certaine émotion. “Pour l’anecdote, avant, quand je voyais 20 minutes d’attente à l’arrêt de bus, je m’asseyais et j’attendais. Maintenant je marche”, sourit-elle. Catherine fait également du renforcement musculaire avec une professeure psychomotricienne et danseuse.

Ma vision de la maladie a changé, je suis beaucoup plus bienveillante avec moi-même.

Forte de son chemin de vie, Catherine s’est également engagée dans le bénévolat comme patiente experte pour entrer au contact de personnes en situation d’obésité qui suivent un programme pré ou post-opératoire. “Ma vision de la maladie a changé, je suis beaucoup plus bienveillante avec moi-même et j’aimerais le transmettre. L’obésité n’est pas une fatalité, même si la maladie sera toujours présente. Aujourd’hui, j’interviens dans des groupes de parole, des ateliers auprès de psychologues, de chirurgiens et de diététiciens. Vous savez, quand on souffre d’obésité, c’est très important de rencontrer des pairs, des associations de patients, des médecins bienveillants… Il faut travailler sur l’aspect psychologique et la perte de poids vient après naturellement.

À l’occasion de la journée mondiale contre l’obésité, une fresque de la maladie obésité est déployée tout le mois de mars pour faire changer le regard de la société sur cette pathologie. “Plusieurs ateliers ont lieu un peu partout en France. J’y participe car c’est un super outil pédagogique pour faire passer des messages et déconstruire des idées, des croyances, autour de l’obésité, surtout dans notre société où une certaine norme de l’image corporelle est de rigueur.