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Psychologie

Dépression post-partum : des changements cérébraux pourraient l’expliquer

Par Geneviève Andrianaly

Chez les femmes développant des symptômes dépressifs après l’accouchement, le cerveau se modifie pendant la grossesse.

kieferpix/iStock
Les femmes présentant des signes de dépression après la naissance leur enfant ont un amygdale droit plus grand.
Une expérience plus difficile lors de l’accouchement est aussi associée à des augmentations bilatérales du volume de l'hippocampe.
Ces deux zones du cerveau sont impliquées dans les émotions et le stress.

L'accouchement est un événement qui change la vie d'une femme. Alors que la transition vers la maternité a récemment été reconnue comme l'une des périodes les plus neuroplastiques de l'âge adulte, aucune recherche n'a encore examiné si l'hippocampe et l'amygdale changent avant, pendant et après la grossesse en lien avec l'expérience de l'accouchement et les symptômes de la dépression périnatale. C’est pourquoi des chercheurs ont réalisé une étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue Science Advances.

Pour mener à bien les travaux, l’équipe a suivi 88 femmes enceintes pour la première fois et qui n'avaient pas d'antécédents de dépression ou d'autres troubles mentaux. Les participantes ont subi des scanners cérébraux au cours du troisième trimestre, puis un mois après l'accouchement. "Nous avons utilisé des IRM optimisées à haute résolution pour quantifier les changements volumétriques dans l'hippocampe et l'amygdale, ainsi que dans leurs sous-structures", ont précisé les scientifiques. Leurs données ont été comparées à un groupe témoin de 30 femmes qui n'étaient pas enceintes.

Un volume accru de l’amygdale et de l’hippocampe impliqués dans les émotions et le stress

Les examens ont révélé que les patientes présentant des symptômes de dépression post-partum modérée ou sévère avaient une plus grande amygdale droite, une région du cerveau essentielle au traitement des émotions et du stress. Celles ayant qualifié leur accouchement de difficile ou de stressant, même si l'accouchement lui-même s'est déroulé sans complication médicale mais que, par exemple elles se sentaient rejetées par le personnel hospitalier, avaient également un hippocampe plus grand, une région du cerveau qui aide à réguler les émotions.

"Il se peut que les personnes dont l'amygdale est plus sensible aux changements soient également plus susceptibles de souffrir de dépression post-partum. Cela peut aussi être l'inverse, c'est-à-dire que ces symptômes de dépression produisent une augmentation du volume de l'amygdale", a déclaré Susana Carmona, neuroscientifique qui dirige le laboratoire Neuromaternel à l'Institut de recherche en santé Gregorio Marañón de Madrid et auteure de l’étude.

La dépression post-partum : un trouble multifactoriel

Des résultats corroborés par la pédopsychiatre Anne-Laure Sutter. Dans un de nos articles, elle indique que la dépression post-partum est un trouble multifactoriel, qui est avant tout lié aux mutations du cerveau qui se produisent tout au long des deux années qui suivent une grossesse. "À ce moment-là, le cerveau est fragilisé, c’est une vulnérabilité naturelle qui rend les mères plus sensibles pour les rendre plus attentives aux besoins du nourrisson et leur permettre de mieux s’en occuper."

Dépression post-partum : déterminer les zones cérébrales qui changent le plus

Dans les conclusions, les auteurs de la recherche soulignent que ces données ouvrent la voie à d'autres travaux visant à déterminer quelles zones du cerveau changent le plus en lien avec une variété de résultats après l'accouchement, tels que l'humeur, l'anxiété, la dépression. "Si nous montrons régulièrement que certaines zones du cerveau sont impliquées, que faire ? Comment pouvons-nous intervenir à un stade précoce ? Quelle est l'ampleur normale du changement ? Pourquoi cette zone pourrait-elle être vulnérable ? Autant de questions intéressantes à poser par la suite", a déclaré Sheila Shanmugan, professeur de psychiatrie à l'université de Pennsylvanie (États-Unis).