- Les réseaux sociaux ne modifient pas seulement notre communication, ils amplifient aussi des troubles psychologiques liés à des perceptions erronées de soi, comme le narcissisme, la dysmorphophobie ou l’anorexie.
- Une étude montre que ces plateformes créent un environnement propice à l’entretien et à l’aggravation des croyances erronées sur soi, du fait de l'absence d'interactions réelles. Et les algorithmes renforcent ces distorsions en exposant les utilisateurs à du contenu qui valide leurs croyances.
- Les chercheurs appellent à des solutions plus ancrées dans la réalité, comme des technologies interactives et un meilleur accompagnement psychologique.
Un impact de plus des réseaux sociaux sur la santé mentale. Dans un monde où les selfies "parfaits" et les flux Instagram soigneusement retouchés ont envahi nos écrans, une réalité plus sombre émerge : ces plateformes ne se contentent pas de modifier notre façon de communiquer, ils viennent aussi nourrir des troubles psychologiques associés à une perception erronée de soi, en particulier chez les individus les plus vulnérables. C’est ce que révèle une nouvelle étude intitulée "Je tweet, donc je suis", publiée dans la revue BMC Psychiatry.
L’absence de véritables interactions sociales
Les chercheurs de l'Université Simon Fraser, au Canada, mettent en lumière un constat troublant : les troubles psychologiques les plus liés à une utilisation intensive des réseaux sociaux impliquent tous une forme de délire. Parmi eux, le narcissisme (se croire supérieur aux autres), la dysmorphophobie (obsession pour des défauts physiques imaginaires), l’anorexie (percevoir un corps en surpoids malgré une maigreur extrême) et l’érotomanie (conviction erronée qu’une célébrité est secrètement amoureuse de soi).
Les scientifiques ont baptisé ce phénomène "modèle d'amplification des délires par les réseaux sociaux". Selon eux, ces plateformes offrent un environnement propice à l’entretien et à l’aggravation des croyances erronées sur soi. Ils expliquent : en situation réelle, les réactions des autres nous aident à ajuster notre perception de la réalité. Mais en ligne, nous avons la liberté de créer et de remanier notre identité sans contrainte. Nous filtrons nos photos, nous remodelons notre apparence et nous projetons une version idéalisée de nous-mêmes. Pour les personnes narcissiques, ce contexte est un écosystème parfait : le nombre de "likes" et de "followers" devient un indicateur tangible de leur supériorité présumée.
Quant aux individus atteints de troubles de l’image corporelle, ils trouvent dans les réseaux sociaux un miroir déformant. Alors qu'en face à face, les interactions permettent de rééquilibrer les perceptions, en ligne, ils se concentrent sur des défauts exagérés et cherchent confirmation de leurs craintes plutôt qu'une remise en question.
Un cercle vicieux entretenu par les algorithmes
Fait aggravant, les algorithmes renforcent ces tendances en proposant du contenu adapté aux préférences de l’utilisateur. Les personnes atteintes de troubles alimentaires, par exemple, sont constamment exposées à des images de corps idéalisés, ce qui alimente leur insatisfaction et aggrave leurs symptômes. "Les réseaux sociaux créent des conditions où les délires peuvent plus facilement être générés et maintenus en raison de la présence de contenus qui entretiennent les causes du trouble, ainsi que de l'absence de vérification efficace de la réalité", résume un communiqué.
Face à ces constats, les chercheurs plaident pour une évolution des réseaux sociaux vers une expérience plus ancrée dans la réalité. Ils suggèrent l’utilisation de technologies comme la reconnaissance du regard, les avatars en 3D ou d'autres systèmes interactifs qui pourraient rétablir une part de contact humain. Par ailleurs, un accompagnement psychologique adapté peut aider les personnes concernées à identifier et corriger ces dérives.