- Pourquoi docteur : Selon Santé publique France, le cancer colorectal est le deuxième cancer le plus fréquent tous sexes confondus en France. Combien de personnes sont touchées ?
Jean-Baptiste Meric : Dans le pays, environ 47.000 nouveaux cas de cancer colorectal sont enregistrés par an, avec une prédominance masculine. Dans 95 % des cas, le diagnostic est posé après 50 ans. Représentant la deuxième cause de décès par cancer tous sexes confondus, cette tumeur est responsable de 17.000 morts chaque année. Cependant, plusieurs décès pourraient être évités grâce au dépistage. Pour rappel, lorsque ce cancer est détecté tôt, il se guérit dans 9 cas sur 10.
- Concrètement, comment se développe un cancer colorectal ?
Lorsqu’un cancer se développe dans le côlon, il y a souvent des lésions précancéreuses. Celles-ci proviennent de petites tumeurs bénignes fréquentes, les polypes adénomateux, qui sont majoritairement inoffensifs mais peuvent devenir cancéreux. Ces derniers mettent plusieurs années à grossir et ceux de taille importante finissent par saigner, mais cela n’est pas visible à l’œil nu. On peut observer cela microscopiquement dans les selles. C’est le principe du dépistage : repérer un polype ou un cancer qui diffuse du sang dans les selles avant que la maladie se manifeste avec des symptômes peu spécifiques, comme des modifications affectant le transit intestinal (diarrhée, constipation ou rétrécissement du diamètre des selles, présence de sang rouge ou foncé dans les matières fécales), et des signes généraux, tels qu’une perte de poids inexpliquée, des crampes ou des douleurs abdominales, une grande fatigue ou encore un manque de force et pâleur dues à une anémie consécutive à un saignement chronique.
"Chez les fumeurs, le risque de cancer colorectal est trois fois supérieur à celui des personnes qui ne fument pas"
- Plusieurs facteurs liés au mode de vie contribuent à l’apparition de ce type de cancer. Pouvez-vous rappeler lesquels ?
En effet, les polypes évoluent en fonction des facteurs de risque, c’est-à-dire que des mutations surviennent dans les cellules selon le mode de vie. Dans le cadre du cancer colorectal, une alimentation trop calorique, peu diversifiée, faible en fibres et riche en produits d’origine animale, notamment la consommation de plus de 500 g de viande rouge et plus de 150 g de charcuterie par semaine, favorise la survenue d’une tumeur maligne. Le fait d’être en surpoids ou obèse augmente également le risque de cancer colorectal. Dans la liste des habitudes à changer, on retrouve aussi l'inactivité physique et la sédentarité. Enfin, il y a les addictions. La consommation d’alcool est responsable de sept cancers différents, dont celui du côlon et du rectum. Quant à la consommation de tabac, elle est à l’origine de 17 cancers différents. Chez les fumeurs, le risque de cancer colorectal est trois fois supérieur à celui des personnes qui ne fument pas.
- Qu’en est-il de la dépendance aux drogues ? Existe-t-il un lien avec le risque de cancer colorectal ?
On ne peut pas dire que l’usage de substances toxiques (ecstasy, champignons hallucinogènes, cocaïne, speed, héroïne, amphétamine, kétamine, LSD, méthamphétamine) est directement lié au cancer colorectal. En revanche, la consommation de drogues entraîne un risque élevé d’infection aux hépatites B ou C, ou du VIH, lié à l’injection par voie intraveineuse. Problème : ces pathologies augmentent le risque de cancer (du foie pour les hépatites) et de nombreux cancers pour le VIH.
Cancer colorectal : les hôpitaux sont obligés "de mettre en place des stratégies de repérage des addictions" et "des soins de support"
- Afin de réduire le risque de souffrir d’un cancer colorectal, il est ainsi fortement recommandé d’arrêter le tabac et l’alcool…
L’arrêt total du tabac est essentiel pour tous les fumeurs afin de ne pas développer n’importe quel type de cancer, mais également pour les personnes qui se font dépister, celles suivant des traitements et pour les patients en rémission. En ce qui concerne la consommation d’alcool, un arrêt total est également conseillé. Cependant, les repères ne sont pas forcément préconisés pour tout le monde. C’est pourquoi on parle de deux verres par jour, mais pas tous les jours.
En cas de cancer colorectal, l’arrêt du tabac et de l’alcool influence positivement la tolérance aux traitements et augmente les chances de succès. Les patients luttant contre leurs addictions souffrent aussi moins d’effets secondaires, présentent moins de problèmes chirurgicaux, notamment de cicatrisation, d’infections et de complications respiratoires, et réduisent les risques de récidive.
- Y a-t-il un suivi particulier pour les patients dépendants au tabac et à l’alcool ?
Le plus souvent, les patients n’osent pas dire aux professionnels de santé qu’ils fument ou sont dépendants de l’alcool. Pourtant, il est essentiel pour eux de s’en libérer, mais cela peut s’avérer être difficile, car ce n’est pas qu’une question de volonté. C’est pourquoi les hôpitaux proposant des soins anticancéreux sont dans l’obligation de mettre en place des stratégies de repérage des addictions. Les établissements doivent également établir des soins de support pour aider les patients à changer de mode de vie.
"Identifier des maladies psychiatriques sous-jacentes" empêchant les patients d’arrêter de fumer et de boire
- Quel est le soutien proposé ?
Un accompagnement global et pluridisciplinaire est proposé. Dans le cadre de ce suivi, les patients vont bénéficier d’outils de substitutions nicotiniques et de médicaments. Selon leur état, certains peuvent être hospitalisés pour un sevrage tabagique ou alcoolique. Avec un psychologue et un psychiatre, l’équipe médicale tente d’identifier des maladies psychiatriques sous-jacentes qui empêchent les personnes d’arrêter de fumer et de boire. Car oui, pour certains, l’alcool et le tabac sont des béquilles.
On se rend compte que peu importe le professionnel de santé, que ce soit un spécialiste, une infirmière ou un médecin traitant, lorsque les patients sont aidés pour arrêter l'alcool et le tabac, ils ont 80 % de chances en plus d’y arriver.