- L’IA révolutionne le traitement des maladies rares en identifiant de nouvelles utilisations pour des médicaments existants. Le cas de Joseph Coates, un Américain de 37 ans, sauvé d’un syndrome incurable grâce à un traitement suggéré par IA, illustre son potentiel.
- Des chercheurs, comme le Dr David Fajgenbaum, exploitent cette technologie pour croiser 4.000 médicaments avec 18.500 maladies. Les substances les plus prometteuses sont ensuite testées en laboratoire avant d'être proposées aux médecins.
- Bien que prometteuse, cette approche peine à attirer les industries pharmaceutiques faute de rentabilité.
Joseph Coates, un Américain de 37 ans, se préparait à mourir. Atteint du syndrome POEMS, une maladie sanguine rare, ses organes faiblissaient et les traitements standards étaient inefficaces. "J’avais abandonné. Je pensais que la fin était inévitable", confie-t-il au New York Times, qui raconte son histoire. Mais sa compagne, Tara Theobald, refuse de renoncer et contacte d’urgence le Dr David Fajgenbaum, un médecin spécialisé dans les maladies rares.
Dès le lendemain, la réponse tombe : un cocktail inédit de chimiothérapie, immunothérapie et stéroïdes. Une combinaison audacieuse, basée sur une modélisation par intelligence artificielle (IA). En une semaine, Joseph Coates montre des premiers signes de rétablissement. Quatre mois plus tard, il est en assez bonne santé pour recevoir une greffe de cellules souches, et entre en rémission. Ce traitement révolutionnaire n’est pas le fruit du hasard : il résulte d’un algorithme d’apprentissage automatique.
L’IA au service du recyclage des médicaments
Dans les laboratoires du monde entier, les scientifiques utilisent l'IA pour chercher, parmi les médicaments existants, des traitements qui fonctionnent pour les maladies rares – dont "90 % n’ont pas de traitement approuvé". Un procédé appelé repositionnement des médicaments. "Il existe un trésor de traitements potentiels dans ceux déjà existants. Nous n’avions tout simplement pas encore de méthode systématique pour les identifier", explique le Dr Donald C. Lo, expert en développement thérapeutique.
L’approche est prometteuse : l’IA analyse des milliers de médicaments et croise leurs effets secondaires pour découvrir de nouvelles indications. Par exemple, un modèle conçu par le Dr Matt Might a découvert que l’alcool isopropylique, inhalé, pouvait stopper des crises de vomissements chroniques. Autre cas frappant : un médicament contre l’hypertension, le guanfacine, s’est révélé très efficace pour améliorer la motricité d’un enfant atteint d’un trouble neurologique.
On peut également citer le Minoxidil, un médicament contre la tension artérielle réutilisé pour traiter la perte de cheveux, le Viagra, initialement conçu pour traiter une maladie cardiaque et maintenant utilisé contre la dysfonction érectile, ou encore, plus récemment, le sémaglutide, un médicament anti-diabète désormais connu pour aider les gens à perdre du poids.
Comparer 4.000 médicaments avec 18.500 maladies
A l’Université de Pennsylvanie, le Dr Fajgenbaum et son équipe ont conçu une plateforme d’IA qui compare 4.000 médicaments avec 18.500 maladies. Les substances les plus prometteuses sont ensuite testées en laboratoire avant d'être proposées aux médecins. Le Dr Luke Chen, sceptique au départ, a finalement testé l’adalimumab, un médicament contre l’arthrite, sur un patient atteint de la maladie de Castleman en phase terminale. Celui-ci est entré en rémission en quelques semaines.
L’avenir de la recherche médicale pourrait bien reposer sur ces algorithmes capables de découvrir, dans des bases de données oubliées, les traitements de demain. Mais ces avancées ne sont malheureusement pas rentables pour l’industrie pharmaceutique, souligne le Dr Fajgenbaum. "Si vous utilisez l’IA pour trouver un nouveau médicament, vous pouvez en tirer des milliards. Mais si elle découvre une nouvelle utilisation pour un vieux médicament bon marché, personne ne gagne d’argent." Pour contourner cet obstacle, son organisation, Every Cure, a réussi à lever plus de 100 millions de dollars de financements pour mener des essais cliniques.