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Amygdale

Intoxication alimentaire : pourquoi les aliments nous ayant rendu malades nous dégoûtent ?

Par Geneviève Andrianaly

Des neuroscientifiques américains ont identifié le "centre de mémoire" cérébral responsable de profonds dégoûts alimentaires chez les souris.

Intoxication alimentaire : pourquoi les aliments nous ayant rendu malades nous dégoûtent ?
JackF/iStock
Chez les rongeurs, les souvenirs liés à l’intoxication alimentaire se forment dans l'amygdale centrale, un petit groupe de cellules impliquées dans l'apprentissage des émotions et de la peur.
Cette zone cérébrale "est préférentiellement activée par les saveurs nouvelles à chaque étape de l'apprentissage."
Les neurones activés par l’aliment ayant entraîné une intoxication alimentaire se réactivent lorsque les animaux ne se sentent pas bien.

Après avoir mangé un aliment contaminé par une bactérie, telle que E. coli, la salmonelle ou Listeria, on tombe malade, plus précisément on souffre d’une intoxication alimentaire. Lorsque l’on revoit la nourriture en question plusieurs jours, semaines et, même, mois plus tard, on éprouve toujours un sentiment de dégoût. Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature, des chercheurs de l’université de Princeton (États-Unis) ont voulu comprendre comment cette expérience unique crée des souvenirs durables.

Les souvenirs gustatifs aversifs se forment dans l'amygdale centrale

Pour mener à bien les travaux, les auteurs ont analysé les mécanismes cérébraux responsables de l'apprentissage de l'évitement des aliments nauséabonds en demandant à des souris de goûter une nouvelle saveur qu'elles n'avaient jamais rencontrée auparavant : le Kool-Aid au raisin. "Son profil gustatif est diversifié." Les rongeurs ont appris qu'en mettant leur nez dans une zone spécifique de leur cage, une goutte de cette boisson violette leur serait administrée. Trente minutes après avoir goûté pour la première fois à ce jus, ils ont reçu une injection, provoquant une maladie temporaire semblable à une intoxication alimentaire. Deux jours plus tard, lorsqu'on leur a proposé le choix, les animaux ont fortement évité le Kool-Aid, qui était auparavant perçu comme appétissant, et ont préféré boire uniquement de l'eau.

En analysant des schémas d'activation cérébrale, l’équipe a identifié l'emplacement du cerveau où se situait cette association jus/maladie : l'amygdale centrale. Il s’agit d’un petit groupe de cellules situées à la base du cerveau et impliquées dans l'apprentissage des émotions et de la peur, traite également de nombreuses informations environnementales, notamment les odeurs et les goûts. "Si l'on observe l'ensemble du cerveau, où se situent les saveurs nouvelles et familières, l'amygdale s'avère être un site particulièrement intéressant, car elle est préférentiellement activée par les saveurs nouvelles à chaque étape de l'apprentissage. Elle est active lorsque la souris boit, lorsqu'elle se sent malade, et lorsqu'elle se remémore ce souvenir négatif quelques jours plus tard", a expliqué Christopher Zimmerman, qui a dirigé les recherches.

Une réactivation des neurones activés par la boisson violette en cas de malaise

Ensuite, les neuroscientifiques ont retracé la façon dont les signaux de maladie provenant de l'intestin atteignent le cerveau. Ils ont identifié des cellules du rhombencéphale spécialisées contenant une protéine spécifique (CGRP) directement connectée à l'amygdale centrale. Après avoir stimulé ceux chez les souris 30 minutes après l'expérience Kool-Aid, un dégoût similaire à celui ressenti en cas d’intoxication alimentaire a été observé. Autre constat : le fait de se sentir malade provoquait la réactivation des neurones activés par le Kool-Aid. "C'était comme si les souris repensaient et se souvenaient de la précédente expérience qui les avait rendues malades. C'était vraiment intéressant de voir ce phénomène se dérouler au niveau des neurones individuels. (…) Nous espérons que ces résultats fourniront un cadre de réflexion sur la manière dont le cerveau pourrait exploiter la mémoire pour résoudre ce problème d’apprentissage dans d’autres situations", a conclu l’équipe.