La compositionnalité est un moyen de comprendre des objets complexes par la transformation et la combinaison d'éléments plus simples. Jusqu’à présent, cette capacité était supposée nécessiter une maîtrise du langage, apparaissant ainsi dans l'enfance après que les êtres humains ont appris à parler et à comprendre les autres. Cependant, "nous soutenons le contraire", ont déclaré des scientifiques de l’université d’Aix-Marseille et de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris.
"Compositionnalité" : trois expériences pour évaluer le comportement des bébés d’un an
Dans le cadre d’une étude, ces derniers ont exploré la possibilité que la compositionnalité soit basée sur des processus simples et qu'elle soit donc déjà présente chez les bébés. Étant donné que les nourrissons de 12 mois ne peuvent pas encore exprimer leur processus de pensée, l’évaluation de leurs capacités de compositionnalité a été faite à l’aide de trois expériences, dont l’objectif principal était de mesurer le temps qu'ils passaient à regarder des objets spécifiques. Lors des interventions, les tout-petits ont visionné des vidéos d'une personne qui prenait un objet et affichait ensuite une expression faciale exprimant la négation, comme un léger froncement de sourcils et la bouche inversée. Les auteurs ont examiné si les bébés pouvaient composer correctement des phrases simples, à savoir nom-verbe, vers l’âge de 14 mois, comprendre des expressions faciales compositionnelles, c'est-à-dire une négation exprimée par une expression faciale, à un an, et réaliser des transformations mentales physiques de base à 10 mois.
Les nourrissons comprendraient le "non" bien avant de savoir parler
Les résultats, publiés dans la revue Communications Psychology, indiquent que les tout-petits regardaient plus longtemps la personne dans la vidéo lorsqu'elle faisait une expression faciale exprimant la négation, ce qui suggère qu'ils comprenaient le sens de l'expression faciale et possédaient donc des compétences compositionnelles de base. "Cela s'est produit avant que les nourrissons ne comprennent le sens de la phrase correspondante", a précisé Isabelle Dautriche, qui a dirigé les travaux. Après les trois expériences, les auteurs ont conclu que la compositionnalité pouvait émerger avant que les êtres humains n'apprennent à parler. Cette capacité pourrait donc reposer sur des processus plus simples qu'on ne le pensait auparavant. "Nos recherches futures visent à décrire systématiquement la structure de la pensée chez les bébés avant qu'ils n'acquièrent un langage conséquent, ainsi que chez d'autres espèces, afin de mieux comprendre l'évolution de notre esprit et du langage", a ajouté Isabelle Dautriche.