- "Il devient impossible d’ignorer le rôle majeur de l’environnement en particulier in utero dans l’émergence de l’autisme", selon l’étude en question.
- Les chercheurs estiment que le stress, les infections, les toxines ou encore les signaux inflammatoires peuvent altérer le développement cérébral du fœtus et contribuer à l’émergence des troubles du spectre autistique.
- Ils appellent à une prise en charge précoce, intégrant l’analyse de données périnatales grâce à l’IA, pour mieux détecter et accompagner les enfants à risque.
Longtemps considéré comme une pathologie à forte composante génétique, l’autisme pourrait en réalité résulter d’une interaction bien plus complexe entre gènes et environnement. C’est ce que défendent les chercheurs Yehezkel Ben-Ari, neuroscientifique de renommée mondiale, et Etienne E. Danchin, directeur de recherche émérite au CNRS, dans une étude récemment publiée dans le Journal of Medical Genetics. Selon eux, il est urgent de réévaluer le poids des facteurs environnementaux prénatals dans l’émergence des troubles du spectre autistique (TSA) et de revoir en profondeur les stratégies de dépistage et de prise en charge.
Des perturbations dès la grossesse
De nombreux enfants atteints de TSA ne présentent aucune anomalie génétique identifiable, d’après l’étude. Les outils génomiques actuels "ne permettent ni de prédire avec précision l’apparition de l’autisme, ni de proposer des traitements efficaces", peut-on lire dans un communiqué. Les chercheurs critiquent aussi la façon dont les études génétiques sont menées, souvent sans considération pour les facteurs environnementaux qui pourtant biaisent les résultats. De quoi, selon eux, remettre en cause l’hypothèse d’un lien direct entre génétique et autisme, longtemps considérée comme centrale.
Les deux scientifiques rappellent que le cerveau du fœtus est particulièrement sensible à son environnement dès la conception : "Les facteurs environnementaux jouent un rôle majeur dès la grossesse, influençant directement le développement cérébral du fœtus." Stress maternel, infections virales ou microbiennes, signaux inflammatoires, perturbateurs endocriniens, pesticides ou encore médicaments prénatals sont autant de facteurs susceptibles d'altérer la maturation neuronale et de favoriser des troubles neurodéveloppementaux. Et qui seraient trop souvent sous-estimés quand il s’agit de trouver des causes à l'apparition de troubles du spectre autistique.
Un trouble multifactoriel à mieux comprendre
"Il devient impossible d’ignorer le rôle majeur de l’environnement en particulier in utero dans l’émergence de l’autisme", affirme le professeur Ben-Ari. Lui et son confrère insistent sur l’existence de mécanismes d’hérédité non génétiques, comme les modifications épigénétiques, qui pourraient expliquer la transmission familiale de certains troubles sans mutation identifiée. "Il convient donc de ne pas donner trop d’importance à la seule approche génétique de l’autisme."
Devant ce constat, les scientifiques appellent à une refonte de la prise en charge. "Il est temps de considérer l’autisme comme un trouble multifactoriel, nécessitant une approche interdisciplinaire et un suivi attentif des facteurs environnementaux dès la grossesse." Selon eux, l’utilisation de l’intelligence artificielle, par exemple, pourrait permettre d’analyser les données périnatales collectées en maternité pour identifier les bébés à risque, ouvrir la voie à des interventions psycho-éducatives précoces et ainsi améliorer significativement la qualité de vie des enfants et de leurs familles.