- Un déséquilibre dans la voie du kynurénine, un processus biologique lié au métabolisme du tryptophane, pourrait expliquer pourquoi les filles sont plus touchées par la dépression que les garçons.
- Les chercheurs ont observé des niveaux plus faibles de composés neuroprotecteurs et une augmentation de substances neurotoxiques chez les filles à risque ou déjà dépressives, en lien avec l’inflammation.
- Ces découvertes pourraient ouvrir la voie à un dépistage plus précoce et à des traitements ciblés, dont des changements de mode de vie.
En France, 9,5 % des jeunes de 17 ans étaient concernés par des symptômes anxio-dépressifs sévères en 2022 contre 4,5 % en 2017, selon l'Assurance maladie. Pire, 18 % avaient eu des pensées suicidaires au cours de cette année contre 11 % cinq ans auparavant. Un profond mal-être qui touche avant tout les adolescentes, quel que soit le niveau de scolarité.
Mais pourquoi les filles sont-elles deux fois plus susceptibles que les garçons de souffrir de dépression ? Une équipe de chercheurs du King’s College de Londres avance une explication inédite, liée à un mécanisme biologique appelé la "voie du kynurénine". Leur étude, publiée dans la revue Biological Psychiatry, est la première à examiner ce processus chez les adolescents en fonction du sexe biologique.
Les filles plus sensibles aux composés neurotoxiques
La voie cérébrale du kynurénine transforme le tryptophane, un acide aminé présent dans notre alimentation et précurseur de la sérotonine ("l’hormone du bien-être"), en deux types de composés : des molécules neuroprotectrices comme l’acide kynurénique, et d'autres, neurotoxiques, comme l’acide quinolinique. Or, chez les adolescents à risque de dépression ou déjà diagnostiqués, les chercheurs ont détecté des niveaux plus faibles d’acide kynurénique, en particulier chez les filles. "Notre étude montre que la voie du kynurénine joue un rôle dans le développement de la dépression pendant l’adolescence, ce qui pourrait expliquer pourquoi les filles sont plus touchées", expliquent les scientifiques dans un communiqué.
Au total, 150 adolescents brésiliens d’environ 15 ans ont participé à cette recherche, répartis à parts égales entre filles et garçons, et classés en trois groupes : faible risque, haut risque, et dépression avérée. Des analyses sanguines ont permis de mesurer les niveaux d’acides et les marqueurs inflammatoires. Ces derniers, plus élevés chez les adolescents dépressifs, favoriseraient la production de composés neurotoxiques. "Cela suggère que l’inflammation pourrait pousser la voie du kynurénine vers une dérive toxique, augmentant le risque de dépression", précise l’équipe.
Un espoir pour un dépistage plus précoce
Trois ans plus tard, les adolescentes souffrant encore de dépression présentaient des taux plus élevés de composés neurotoxiques que celles ayant retrouvé un équilibre. Les auteurs de l’étude ignorent encore l’origine de ces différences chimiques entre garçons et filles, mais ils n’excluent pas les hypothèses des traumatismes de l'enfance ou des hormones sexuelles.
D’après les chercheurs, "la mesure des composés de la voie du kynurénine pourrait permettre d’identifier les adolescents à risque de dépression persistante, notamment chez les filles". Ce nouvel angle biologique pourrait inspirer des approches ciblées, allant de médicaments anti-inflammatoires à des interventions liées au mode de vie, comme l’alimentation, l’activité physique ou encore la gestion du stress.
Un déséquilibre dans la voie du kynurénine, un processus biologique lié au métabolisme du tryptophane, pourrait expliquer pourquoi les filles sont plus touchées par la dépression que les garçons.
Les chercheurs ont observé des niveaux plus faibles de composés neuroprotecteurs et une augmentation de substances neurotoxiques chez les filles à risque ou déjà dépressives, en lien avec l’inflammation.
Ces découvertes pourraient ouvrir la voie à un dépistage plus précoce et à des traitements ciblés, dont des changements de mode de vie.