Le champion de Formule 1 Michael Schumacher a été placé en phase de réveil. C'est l'annonce faite ce jeudi par Sabine Kehm, la manager du pilote allemand. Après une chute à ski survenue dans la station savoyarde de Méribel le 29 décembre dernier, Schumacher, qui souffre d’un grave traumatisme crânien, a été plongé dans un coma artificiel depuis le 30 décembre, après avoir subi 2 interventions chirurgicales.
Mais aujourd'hui, un nouvel épisode se joue dans ce drame qui se déroule au CHU de Grenoble. Dans un communiqué publié il y a quelques heures sa manager confie : « Les sédatifs administrés à Michael sont depuis peu diminués afin d'entamer un processus de réveil, qui pourra durer longtemps. » Et cette dernière d'ajouter : « initialement, il était clairement convenu entre toutes les parties intéressées de ne communiquer cette information médicale que lorsque le processus serait consolidé, cela afin de protéger la famille. Nous ne donnerons aucun renseignement sur les étapes intermédiaires. » Contacté par pourquoidocteur le Pr Jean Mantz, chef du département d'anesthésie-réanimation des Hôpitaux Universitaires Paris Nord Val de Seine (1), nous explique les différentes étapes d'une phase de réveil. « Un parcours plein d'incertitudes ».
Quels sont les critères pour entamer une phase de réveil ?
Pr Jean Mantz (2) : Les critères sont d'abord d'ordre neurologique. Pour tenter un processus de réveil, il faut que l'on observe des manifestations de réactivité lorsque l'on arrête ou lorsque l'on diminue la dose de médicaments qui font dormir (sédatifs). Pour cela, on teste sur le patient endormi différentes réponses tout au long de son coma (des yeux, verbale, ou motrice). Par exemple, on regarde si le patient ouvre les yeux à l'appel de son nom.
A côté, il y a aussi les critères de bonne santé des grandes fonctions vitales (respiratoire, circulatoire...) qui ont été malmenées pendant la période de réanimation. Pour entamer une phase de réveil, il faut qu'on ait évacué les problèmes, et que le patient soit apte à respirer tout seul. Une fois tous ces critères réunis, on abordre la phase dite de "sevrage", ou de séparation du ventilateur, qui correspond excatement à la phase où l'on teste les signes de réveil du patient.
Combien de temps peut durer une phase de réveil en cas de traumatismes crâniens sévères ?
Pr Jean Mantz : A partir de la phase de réveil, on observe s'il y a ou pas un retour à une vie avec des interactions normales. Il y a plusieurs tempos possibles. Dans les traumatismes crâniens graves, ça peut être très long. Cela peut prendre des jours, voire des semaines pendant lesquels les médecins font des tests de réactivité sur le patient. Le problème c'est que l'on n'a pas d'éléments de certitude pour dire s'il va y avoir ou pas un réveil, et de quelle qualité il va être. Nous sommes toujours un peu dans l'incertitude face à ces situations. Il est donc difficile de se prononcer au début d'un processus de phase de réveil.
Et sur les conséquences à plus long terme des fonctions cognitives du patient (anciennement dans le coma) nous sommes encore plus démunis. Seuls quelques travaux d'imageries cérébrales permettent d'avoir des petits indicateurs "pronostic", mais ce n'est pas suffisant.
Quels sont les principaux risques ?
Pr Jean Mantz : Dans la phase de réveil, le risque le plus important est celui que les médecins n'arrivent pas à déventiler le patient. C'est le cas lorsque l'équipe médicale ne réussit pas à enlever le tuyau relié à une machine par lequel la personne respire. C'est un cap essentiel à passer. Ce tuyau est en effet indispensable lors de la phase de coma. Il protège les voies aériennes du patient et fait le travail de respiration à sa place, ce qu'il y a de plus difficile lorsqu'un patient est dans un état critique. Il y a toujours un pourcentage de cas où il y a un échec dans cette phase alors que cela n'était pas prévu.
A partir de quand considère-t-on que le phase de réveil est un succès ?
Pr Jean Mantz : Normalement, lors d'un coma traditionnel, on dit que le patient est réveillé lorsqu'il respire 24h/24 de façon autonome, et qu'il est conscient. Dans le cas de patients ayant subi un traumatisme cranien sévère, ce critère ne suffit pas. Car là, bien souvent, récupérer toutes les fonctions fines du cerveau (relation, mémoire, apprentissage, language...) prend beaucoup de temps.
(1) Ce groupe hospitalier constitué le 1er janvier 2011 par la fusion des hôpitaux qui le composent, regroupe les sites de Beaujon, Bichat - Claude Bernard, Bretonneau, Louis Mourier et Charles Richet.
(2) Responsable de la réanimation traumatologique à l'hôpital Beaujon de Clichy (92)