Haruko Obokata a peut-être signé là la découverte qui lui vaudra un jour le prix Nobel de médecine. Cette jeune biologiste cellulaire japonaise, dont les travaux sont aujourd’hui publiés dans la revue Nature, est parvenue à mettre au point des cellules souches sans avoir eu besoin de passer par l’étape délicate de la reprogrammation génétique. Plongés pendant moins d’une demi-heure dans un bain acide puis passés à la centrifugeuse pendant 5 minutes, le stress a été tel pour les globules blancs de souris que seuls 25% ont survécu et parmi eux, 30% sont redevenus des cellules pluripotentes, c’est à dire capables de se différencier en n’importe quel type de cellules de l’organisme. Le résultat paraissait tellement improbable que la chercheuse a dû reproduire l’expérience et préciser sa méthode pendant plusieurs années pour convaincre ses collègues et la communauté scientifique qu’il ne s’agissait pas d’un hasard ou d’un artefact expérimental.
Une capacité inédite à former du tissu placentaire
L’article publié aujourd’hui détaille la mise au point de ces cellules STAP, acronyme anglais pour acquisition de pluripotence déclenchée par un stimulus. Par rapport à la production des cellules iPS ou cellules souches pluriopotentes induites, qui ont valu le Prix Nobel à un autre scientifique japonais Shinya Yamanaka en 2012, la technique est donc beaucoup plus simple. Nature souligne qu’il faut plusieurs semaines pour qu’environ 1% des cellules soient converties en cellules iPS alors qu’après leur traitement de choc et 7 jours en culture, près de 7% des leucocytes sont devenues des cellules STAP. L’équipe du RIKEN Center for Developmental Biology à Kobé est déjà parvenue à les reprogrammer en une douzaine de types cellulaires différents dont des cellules du poumon, du foie, de la peau et du cerveau. De plus, ces cellules ont révélé une capacité inédite chez les cellules iPS comme chez les cellules souches embryonnaires : elles sont parvenues à former du tissu placentaire. « Ce qui pourrait simplifier de façon spectaculaire le clonage », explique Teruhiko Wakayama, l’un des co-auteurs de la publication, qui souligne toutefois que l’idée relève, à l’heure actuelle, du rêve.
« Presque trop beau pour être vrai »
Il reste beaucoup encore beaucoup d’obstacles à franchir pour démontrer que la technique est transposable sans danger sur des cellules de souris adultes puis sur des cellules humaines. « Cela semble presque trop beau pour être vrai … l’âge de la médecine personnalisée serait enfin arrivé », commente Chris Mason, spécialiste britannique de médecine régénérative au micro de la BBC. « C’est une approche révolutionnaire, une découverte scientifique majeure », renchérit le Dr Dusko Ilic, spécialiste des cellules souches au Kings College à Londres. Le Pr Robin Lovell-Badge, un autre spécialiste britannique, confie son enthousiasme à la BBC mais également ses interrogations : « Quel mécanisme explique qu’une baisse brutale de pH déclenche la reprogrammation cellulaire ? Et comment se fait-il qu’il ne se passe pas la même chose quand nous mangeons du citron, du vinaigre ou que nous buvons du coca ? »