Vendre des cigarettes en pharmacie. L’idée paraît saugrenue en France où même la cigarette électronique n’a, pour le moment, pas sa place dans les officines. Mais aux Etats-Unis, les drugstores sont plutôt des commerces de proximité où l’alimentation, la papeterie, le tabac et les boissons alcoolisées côtoient la parapharmacie et les médicaments vendus sur ordonnance.
Aussi quand CVS, l’une des deux plus importantes chaînes de pharmacies annonce mercredi qu’elle renonce à la vente de tabac, c’est un événement salué par Barack Obama lui-même. Le président américain a félicité une entreprise qui « montre l'exemple » et souligné que cette décision « aidera à réduire le nombre de morts liés au tabagisme, le cancer et les maladies cardiaques, ainsi qu'à faire baisser les coûts de la santé ».
« La vente de tabac ne correspond tout simplement pas à notre mission »
Les cigarettes seront effectivement retirées des drugstores CVS à compter du mois d’octobre. La chaîne de pharmacies, qui vend pour près de 2 milliards de dollars de cigarettes par an pour un chiffre d’affaires annuel total de 123 milliards, a invoqué la logique et la santé publique. « Mettre fin à la vente de cigarettes et autres produits contenant du tabac dans les pharmacies CVS est ce qu'il faut faire pour nos clients et notre entreprise, afin d'aider les gens à être en meilleure santé. La vente de tabac ne correspond tout simplement pas à notre mission », a déclaré Larry Merlo, PDG du groupe.
Opération séduction en direction du corps médical
Comme le souligne Stéphane Lauer, le correspondant du Monde à New York, l’effort consenti par CVS n’est pas totalement désintéressé : « Le groupe envisage de nouer des partenariats avec des hôpitaux, des assureurs ou des médecins, qui jusqu'à présent étaient réticents à s'associer avec une enseigne vendant des produits considérés comme dangereux pour la santé. CVS souhaite notamment s'orienter vers le conseil aux patients pour, par exemple, surveiller leur taux de cholestérol, de diabète ou leur tension grâce aux 26 000 pharmaciens et infirmiers qu'il emploie. »
Le rapprochement a commencé dès le jour de cette annonce officielle avec la publication dans le prestigieux journal de l’Académie américaine de médicine, le JAMA, d’un éditorial signé par l’un des leaders de la lutte anti-tabac outre-Atlantique et le directeur médical de CVS. « La vente de produits du tabac en pharmacie est clairement antithétique, écrivent ces deux médecins. Laisser les cigarettes accessibles en pharmacie re-normalise le produit en envoyant le subtil message que la cigarette n’est pas si dangereuse pour la santé puisqu’elle est vendue au même endroit que les médicaments et que le traitements de sevrage tabagique, ce qui renforce encore le paradoxe. » Mieux vaut tard que jamais.