Deux tiers des personnes qui décèdent devraient bénéficier de soins palliatifs. Les besoins sont aujourd'hui clairement identifiés mais en revanche loin d'être satisfaits. C'est ce fossé que l'Observatoire national de la fin de vie vient de mettre en évidence. En clair, plus de 300 000 personnes devraient avoir droit à des soins d’accompagnement. Et sans surprise, on est loin de du compte... Les quelque 105 unités de soins palliatifs, 4913 lits, et 362 équipes mobiles peuvent paraître dérisoires. Bien sûr, ils ne le sont pas mais ils ne font pas le poids. A l'hôpital par exemple, en soins aigus, la moitié de ceux qui devraient avoir accès à des soins palliatifs y ont effectivement accès. Aux urgences, c'est pire : 64 % des personnes qui décèdent nécessiteraient des soins palliatifs et seuls 7,5 % en bénéficient.
Ce premier rapport de l'Observatoire national de la fin de vie a le mérite de faire une photographie précise du chemin qu’il reste à parcourir. Mais, pas seulement d’un point de vue quantitatif. Car offrir aux 300 000 personnes qui en ont besoin des soins palliatifs, ce n’est pas seulement multiplier les équipes mobiles ou les unités de soins palliatifs. C’est aussi mieux diffuser la culture des soins palliatifs chez l’ensemble des soignants. Et là non plus, le pari n’est pas gagné. « Les chiffres ont tendance à montrer que la moitié des patients hospitalisés pour soins palliatifs le sont tardivement, juste avant leur décès, soulignent les auteurs du rapport. Or, les soins palliatifs ne visent pas à accompagner que la phase terminale de la maladie : ils sont de plus en plus souvent mis en œuvre en amont, pour assurer le soulagement de la douleur, pour apporter une réponse aux symptômes. » Et ce pour le plus grand bien des patients. Une étude parue dans le New England journal of médecine en fin d’année 2011 a démontré que débuter tôt les soins palliatifs améliorait la condition des patients souffrant d’un cancer du poumon en phase terminale. « Les oncologues doivent accepter l’éventualité que nos patients puissent mieux se porter si nous n’essayons pas de tout faire nous-mêmes », concluait l’auteur de cette étude, elle aussi cancérologue…
Mais pour convaincre les médecins, encore faudrait-il qu’ils soient formés à l’accompagnement de fin de vie. Et c’est là aussi que la bât blesse, nous dit l’Observatoire. A l'hôpital, depuis 2005, date à laquelle la loi Léonetti a été votée, seulement 10 % des infirmières ont été formées. Chez les médecins libéraux, les plus demandeurs sont les généralistes mais en 2009 par exemple, seulement 2,6 % d'entre eux avaient suivi une session de formation sur l'accompagnement de la fin de vie. Manifestement, la loi Léonetti a du mal à passer.
Emmanuel Hirsch, responsable de l'espace éthique de l'APHP : « Cette loi est complexe. Il n’est normal que son application ne se fasse pas d'un coup de baguette magique. »
Dans le grand public, le défaut d’information sur cette loi est aussi flagrant. D’après un sondage OpinionWay 2011, 68% des Français ignorent encore qu’une loi interdit l’acharnement thérapeutique. Changer les mentalités prend donc évidemment du temps. Mais, selon Emmanuel Hirsch, les soignants s’approprient de plus en plus cette loi. Et les demandes de formation sont de plus en plus nombreuses.
Emmanuel Hirsch : « Le rationnement des soins à l’hôpital est un frein à la diffusion des soins basés sur l’écoute et l’accompagnement de fin de vie ».
Dernière idée fausse battue en brèche dans ce rapport : on ne meurt pas de plus en plus à l’hôpital. La France n’est pas un modèle en la matière avec ses 58 % de décès à l’hôpital, mais en vingt ans, ce taux n’a même pas varié de 1%.