Par quel procédé la perception des odeurs agit sur nos pulsions alimentaires ? A cette question que beaucoup se posent, une équipe de l'Inserm (1) menée par le chercheur Giovanni Marsicano répond en partie ce lundi. Ces scientifiques de diverses nationalités sont en effet parvenus à élucider le mécanisme par lequel le système endocannabinoïde contrôle la prise alimentaire en agissant sur la perception de nos odeurs. Des travaux inédits publiés dans la revue Nature Neuroscience, datée du 9 février 2014.
Comme l'indique l'Inserm dans un communiqué, ces chercheurs du NeuroCentre Magendie de Bordeaux sont partis du constat suivant: « Chez l’animal, comme chez l’homme, on sait que ce sont les mécanismes de la faim qui incitent la prise alimentaire. La faim déclenche un ensemble de mécanismes poussant à s’alimenter, comme par exemple l’augmentation des perceptions sensorielles telles que l’olfaction. »
Or, dans ces travaux, cette équipe internationale de scientifiques est parvenue à démontrer ce qui lie, dans le cerveau, la faim à l’augmentation de la perception de l’odeur et par conséquent au besoin de manger.
Au travers de recherches menées en laboratoire sur des souris, les chercheurs ont découvert comment ce mécanisme s'enclenchait au niveau du système endocannabinoïde. Ce dernier est en effet très intéressant pour la recherche puisqu'il rassemble des récepteurs situés dans le cerveau et impliqués dans différentes sensations comme l’euphorie, l’anxiété, ou encore la douleur.
Un mécanisme provoquant l'augmentation de l'olfaction pendant la faim
Ils se sont aperçus que les récepteurs au cannabinoïdes (CB1) contrôlaient un circuit qui met en relation le bulbe olfactif (première région du système nerveux à traiter l'information olfactive, situé au-dessus du nez) et le cortex olfactif (structures supérieures du cerveau). Résultat, quand la sensation de faim est ressentie, cela déclenche l’activité des récepteurs cannabinoïdes qui activent à leur tour le circuit olfactif qui devient plus réactif.
« Au final, c’est ce mécanisme biologique qui provoque l’augmentation de l’olfaction pendant la faim. Il explique une des raisons de la prise alimentaire et de l’attirance pour la nourriture », explique Edgar Soria-Gómez, 1er auteur de l'étude contacté par pourquoidocteur.
Néanmoins, ce dernier rajoute que nous ne sommes qu'au début de la recherche. « Il va falloir maintenant explorer cette piste, et surtout voir ce qu'il se passe lorsque nous allons activer ces récepteurs dans d'autres structures du système endocannabinoïde. »
Ecoutez Edgar Soria-Gómez, chercheur à l'Inserm : « A l'avenir, il faudra identifier toutes les possibilités d'action du système endocannabinoïde dans le système olfactif. Nous avons travaillé seulement sur une partie de ce système ! »
L'espoir, un spray nasal pour aider les obèses ou anorexiques
Néanmoins, l'équipe de chercheurs affirme que ce mécanisme désormais "élucidé", est un "grand" pas pour l'avenir de cette recherche. Notamment, pour venir en aide aux patients obèses ou anorexiques. Chez ces populations, les scientifiques de l'Inserm supposent que « le circuit impliquant le système olfactif est altéré : la sensibilité aux odeurs va être plus ou moins forte par rapport à la normale », expliquent-ils. Ils rajoutent toutefois que « l’élucidation du mécanisme biologique permettra à long terme une meilleure prise en charge de ce type de pathologies. »
Alors, même s'il confie que, « ce n'est pas pour demain, et qu'il faudra être patient », Edgar-Soria-Gómez se prend déjà à rêver en évoquant l'arrivée possible dans le futur d'un spray nasal comme solution thérapeutique pour ces patients. Le but, inhiber ce système endocannabinoïde, par exemple chez les patients obèses, lorsqu'il est en phase d'hyperactivation. Pour les patients anorexiques, la technique aurait pour but de provoquer l'effet contraire, autrement dit ré-activer ce système endocannabinoïde, en panne dans cette pathologie.
Ecoutez Edgar Soria-Gómez : « A l'avenir, on peut penser qu'un type de spray contenant les composants actifs du cannabis pourrait bloquer ce système endocannabinoïde. Notamment chez les obèses lorsqu'il est en phase d'hyperactivation »
(1) Unité 862 de l'Inserm (NeuroCentre Magendie de Bordeaux)