La décision du Conseil d'Etat dans l'affaire Vincent Lambert sera connue demain à 16 heures. Seul information nouvelle qui est ressortie pour le moment de la salle d'audience, le rapporteur public a demandé ce jeudi un supplément d'instruction pour décider du sort de ce tétraplégique en état de conscience minimale, dont la famille se déchire depuis des années pour savoir s'il faut le maintenir en vie. « Il est inhabituel de proposer une mesure d'instruction », a reconnu le rapporteur public, Rémi Keller, mais il s'agit d'un affaire « hors-norme ». Cette expertise permettrait, selon lui, au Conseil d'Etat de « prendre la meilleure décision. Nous mesurons le risque d'un nouveau renvoi de l'affaire », a-t-il reconnu.
Aucune amélioration depuis l'accident de 2008
Car la question de l'état de santé de Vincent Lambert est depuis le début sujette à de nombreuses controverses. En 2008, le jeune homme a été hospitalisé immédiatement suite à un important traumatisme cranien. Vincent Lambert est au fil du temps passé d’une phase de coma profond à celle d’état de conscience minimale. Un état que les médecins décrivent comme « pauci-relationnel » et qui, contrairement à l’état végétatif se caractérise par l’existence de quelques signes de conscience (mouvement des yeux, ressenti probable de la douleur...).
Néanmoins, selon le corps médical qui l'a pris en charge au CHU de Reims, cet état ne permet pas d’« être sûr qu'il intègre correctement les informations sensorielles. »
Puis en 2011, Vincent Lambert est diagnostiqué en « état de conscience minimal plus » au centre de recherche sur le coma (Coma Science Group) de Liège, en Belgique, dans le service du Pr Steven Laureys. Les médecins de ce site mondialement reconnu sur le sujet laissent entendre cette année-là à la famille de Vincent qu'il ne faut pas s'attendre à une amélioration possible de son état de santé. Une thèse contestée par d'autres neurologues.
Pour certains neurologues, l'espoir d'une amélioration subsiste
Interrogée par le Nouvel Observateur récemment, le Dr Catherine Kiefer, chef de service de soins et réadaptation pour traumatisés crâniens à l'hôpital Nord 92 (Villeneuve-la-Garenne) estimait pour sa part qu'il est possible de sortir d'un état pauci-relationnel. Cette neurologue affirmait même que « parfois, il est possible de retrouver une communication fonctionnelle, mais la personne tétraplégique restera tétraplégique. » Cette dernière reconnaissait aussi que « certains patients n'évoluent pas, et restent des années comme au premier jour. » D'après elle, « il faut insister sur le caractère unique de chaque patient. »
Le Conseil d'état appelé à se prononcer sur la loi Leonetti
Face à ces différents points de vue sur l'état de conscience minimale, il semble difficile d'imaginer que la nouvelle expertise médicale demandée par la rapporteur pourrait changer la donne. Sur ce sujet, les connaissances scientifiques restent pour le moment figées concernant l'évolution de ces patients.
Quoi qu'il en soit, les magistrats du Conseil d'état devront demain ou plus tard statuer sur sept questions essentielles dans ce débat sur la fin de vie. Parmi elles, l'éternelle question de savoir si « la poursuite de l'alimentation et de l'hydratation artificielles dont bénéficie ce patient traduit une obstination déraisonnable justifiant qu'il soit mis fin à ce traitement ? » Ou encore, les dispositions de la loi Leonetti, « qui prévoient les conditions dans lesquelles il peut être mis fin à un acte médical ou à un traitement dont la poursuite constituerait une obstination déraisonnable, sont-elles applicables à une personne qui n'est pas en fin de vie ni atteinte d'une maladie incurable ? »