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Neknomination : les risques d'une alcoolisation version 2.0

Par Antoine Llorca

Se filmer en train de boire un cocktail d'alcools et de réaliser un défi, la Neknomination fait un carton sur les réseaux sociaux. Et déjà quatre morts de l'autre côté de la Manche.

HADJ/SIPA
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Ce nouveau phénomène aurait déjà causé 4 morts dont 2 en Angleterre et 2 en Irlande. Les quatre jeunes de 20 à 29 ans seraient morts des suites de leurs « neknominations. » Et cette mode de l'ivresse 2.0 semble se propager comme un feu de paille sur Facebook. La France n'est plus épargnée.

 

Une pratique à risque

Le neknomination, qui combine l’expression « to neck a drink » (boire un verre cul-sec) et le mot nomination, est la nouvelle tendance sur Facebook. C’est toujours le même principe, que la vidéo soit française, anglaise ou australienne. Le nominé se filme face à une caméra en train de boire un verre d’alcool de manière plus ou moins spectaculaire puis nomine ses amis sur Facebook. Les utilisateurs font preuve de plus en plus d’imagination pour réaliser les meilleurs « neknominations. » Ils se filment en train de boire de large quantité de vodka avant de sauter un tremplin en moto-cross, avant de sauter depuis un pont dans une rivière… Et les utilisateurs français se mettent moins en situations dangereuses que leurs homologues australiens ou britanniques. 

 

Une tentative de modernisation de la consommation d'alcool

« Ce phénomène fait partie d’un des avatars multiples de tentative de modernisation de la consommation d’alcool », confie Michel Lejoyeux, professeur de Psychiatrie à Paris 7 et chef de service à l’hôpital Bichat. Pour ce spécialiste, c'est « une façon de donner une tonalité high-tech à quelque chose, de vieux comme le monde, comme l'ivresse et la recherche de l'ivresse. » La différence entre les manières de consommer de l’alcool est devenue générationnelle. À présent, « on est passé d’une alcoolisation quotidienne, classique chez les adultes, à l’intégration de l’alcool dans les nouvelles technologies et dans la culture de la toxicomanie. »

Le « Neknomination » peut être rapproché du « binge drinking »: consommer le plus d'alcool possible dans un temps record. Spécialiste en addictologie, le Pr Amine Benyamina, y voit le cumul de deux phénomènes : le binge drinking et la culture 2.0. « C'est l'association de ces deux phénomènes qui constitue une tendance actuelle et qui finalement accouche du pire.»
Et le Pr Benyamina d'évoquer l'application mobile Snapchat, qui permet aux jeunes de s'échanger des photos qui disparaissent dans les dix secondes après leur ouverture. Sur cette nouvelle forme de réseau social, les photos à connotation sexuelle s'échangent par millions. La sexualité a fait son entrée dans le 2.0. Après le sexe, « l'alcool devait à un moment ou un autre arriver par ce billet de communication, » confie l'addictologue.


Les médecins s'inquiètent de sa dangerosité

Cette prise de risque pour consommer de l'alcool inquiète les spécialistes. Elle devient dangereuse par sa clandestinité mais aussi par son esprit de compétition. Cette manière de se mettre en scène pour répondre à un défi rend la volonté de prendre des risques beaucoup plus large, estiment-ils. Ces éléments rendent la prévention et l'aide en cas d'alcoolisation aigu beaucoup plus difficile. Pour Pr Benyamina, « c’est plus inquiétant que lorsque ça se passe dans la rue. Car nous n’avons plus la possibilité d’intervenir en tant que parents, que soignant ou en tant que force de l’ordre pour les aider.» D'autant que ces prises importantes et rapides d'alcool peuvent s'avèrer dangereuses, voire mortelles pour les usagers.

Alors, ce phénomène qui s'est amplifié depuis quelques jours est-il durable ? En France, une page officielle appellée "Neknomination France" a été créée le 10 février. Depuis sa création, la page a atteint le nombre pharamineux de 17 000 fans sur Facebook. Mais pour le Benyamina, le phénomène ressemble à « un feu de forêt très violent qui a un moment n'arrivera plus à prendre. » Comme nombre de modes sur le net, elles ont tendance à disparaître d'elle-même en quelques semaines.

Mais en attendant la fin de l'incendie, une page, demandant la suppression de ces groupes Facebook, a été crée sur le réseau de Mark Zuckerberg. 26 000 personnes ont aimé cette pétition en ligne.