« Y a pas de gonzesse hooligan, imbécile et meurtrière. Y’en a pas même en Grande-Bretagne, à part bien sûr Madame Thatcher ». En 1985, les Britanniques avaient assez peu apprécié la charge de Renaud contre leur Dame de fer.
Aujourd’hui, ce n’est pas un chanteur français qui traite l'ancienne Premier ministre (1979-1990) de meurtrière mais des chercheurs en Santé publique de plusieurs Universités écossaises et du nord de l’Angleterre. Dans une étude publiée dans une revue spécialisée sur les systèmes de santé, le Dr Alex Scott-Samuel et ses collègues ont analysé plus de 70 publications scientifiques et concluent que le Thatcherisme et ses conséquences en matière de chômage, de coupes dans les prestations sociales et de politiques dommageables en matière de logement est responsable, encore aujourd’hui, de « décès prématurés et injustes » parmi les Britanniques.
« A partir de la fin des années 80, nous voyons chaque année plus de 500 décès supplémentaires par maladie chronique du foie et cirrhose. On sait également que le chômage causé par les politiques de Thatcher a entraîné un excès de mortalité, estimé à 2500 décès par an. Et ces décès prématurés ne représentent que la partie émergée de l’immense iceberg de maladies et de souffrances résultant du Thatcherisme », affirme Alex Scott-Samuel.
Alcool, drogues, violences, suicides : mortalité en hausse
Les chercheurs s’appuient sur les statistiques nationales de mortalité liée à l’alcool et aux drogues, par violences et par suicide, toutes en hausse pendant la décennie de gouvernement de cette adepte du libéralisme. En cause, selon ces spécialistes de santé publique, l’augmentation des inégalités en Grande-Bretagne. Inégalités de revenu, puisque les 0,01% les plus aisés des Britanniques sont passés de 28 fois le salaire moyen en 1978 à 70 fois en 1990 et que la proportion de foyers vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 6,7 à 12 % entre 1975 et 1985.
La décennie Thatcher a vu s’accroître les disparités régionales en matière de qualité des soins et in fine d’espérance de vie, pénalisant lourdement les régions industrielles et minières du Nord de l’Angleterre.
Parmi les décisions plus directement sanitaires, les auteurs citent également l’exemple de la sous-traitance du nettoyage des hôpitaux publics britanniques, jugée « responsable d’une augmentation des infections nosocomiales ».
Le parti conservateur dénonce « une propagande socialiste »
Les résultats de cette étude ont provoqué des réactions agacées parmi les héritiers politiques de Margaret Thatcher. Des députés du parti conservateur ont dénoncé « une propagande socialiste déguisée en recherche académique », soulignant que deux des auteurs sont membres du parti travailliste et n’en ont pas fait état dans les liens d’intérêts mentionnés au bas des articles scientifiques. Le Dr Scott-Samuel s’est justifié : « J’ai mes opinions politiques mais il s’agit ici d’un article scientifique publié dans un journal scientifique, s’appuyant sur une revue substantielle de données disponibles. J’affirme, à 100%, que les politiques de Margaret Thatcher ont tué des gens et il ne s’agit pas de seulement de mortalité mais aussi de pathologies et de souffrances ».