Malgré l'opposition de l'Église catholique belge et des voix dissonantes dans le corps médical, la Belgique est devenue jeudi le premier pays à légaliser l'euthanasie pour les mineurs atteints d'une maladie incurable sans limite d'âge, afin d'abréger leur souffrance. Jusqu'à présent, seuls les Pays-Bas disposaient d'une loi comparable, mais celle-ci ne s'applique qu'aux mineurs âgés d'au moins 12 ans.
L'accord des deux parents obligatoire
Le texte, déjà adopté en décembre par les sénateurs belges, a été approuvé sans difficulté par les députés de la chambre basse (86 voix pour, 44 contre, et 12 abstentions). Il prévoit que les enfants gravement malades, en phase terminale, affrontant « des souffrances physiques et insupportables » – la notion de souffrance psychique a été écartée – pourront demander l'euthanasie, à condition que leurs deux parents soient d'accord.
Contacté au mois de décembre à ce sujet par Pourquoidocteur, le Pr Didier Sicard, spécialiste de médecine interne et ancien Président du Comité consultatif national d’éthique, craignait pour sa part que cette loi soit source de tension au sein des foyers familiaux déjà fragiles. « Par exemple, lors d'un divorce compliqué, l'application de la loi pourrait être rendue difficile. Peut-être au détriment de l'enfant gravement malade ? » Et ce dernier de rajouter que cette loi correspond davantage à une culture néerlando-flamande, qu'il respecte, même s'il ne la partage pas.
« Pour la France, je ne pense pas qu'une telle loi se justifie. Au quotidien, les médecins français réussissent très bien à gérer ces situations toujours en accord avec la famille. » Enfin, favorable à une euthanasie "passive" comme cela est préconisé dans son rapport sur la fin de vie remis en décembre 2012 à François Hollande, Didier Sicard répète, qu'à ses yeux, l'euthanasie active est un geste "trop brutal". L'acte correspond en effet à l'injection d'un sédatif provoquant une mort très rapide.
73 % des Belges sont favorables
Alors, pour tenter de rassurer les opposants à cette loi, les élus belges ont souhaité qu'aucun médecin ne soit contraint de pratiquer l'acte d'euthanasie, et que le vote de la loi ne limitera ou n'empêchera en rien le recours à un traitement palliatif. Les députés ont également inclus dans cette loi, d'autres conditions, déjà en vigueur pour les majeurs. Il conviendra donc qu'un deuxième médecin soit consulté, et que toute demande fasse l'objet d'une discussion avec l'équipe soignante.
Enfin, même si cette loi reste très encadrée, elle était toutefois "indispensable" pour le sénateur belge socialiste Philippe Mahoux, auteur de la loi ayant autorisé en 2002 l'euthanasie pour les adultes. Ce dernier estime que le texte répond à un souhait exprimé par les pédiatres et infirmiers confrontés à la « souffrance insupportable » d'enfants, à laquelle ils ne pouvaient répondre que dans l'illégalité. Un point de vue visiblement partagé par la majorité des Belges qui dans les derniers sondages d'opinion s'estimaient à 73 % favorables à la légalisation de l'euthanasie pour les mineurs.