Et si l’on n’avançait plus les frais en se rendant chez le médecin ? Largement pratiquée en pharmacie, où ne sont réglés que les médicaments qui ne sont pas remboursés, la dispense d'avance des frais continue à être minoritaire pour les consultations en ville des médecins généralistes ou spécialistes. La mise en œuvre du tiers payant demeure réservée aux bénéficiaires de la CMU et de l’AME et à certains actes, comme les actes supérieurs à 120 €, ou les actes dispensés dans les centres de santé au sein des services d’urgence.
Mais cela pourrait changer. En septembre dernier, Marisol Touraine avait fait de la généralisation du tiers payant la clé de voûte de sa stratégie nationale de santé. Pour la ministre de la Santé, cette « révolution » pour un égal accès aux soins devrait intervenir en 2017.
Elle a donc confié une mission d’évaluation à l’Inspection Générale des Affaires sociales (IGAS) pour la mise en place d’un tiers payant intégral, c’est-à-dire « concernant le paiement du médecin par l’assurance maladie obligatoire (AMO) et les assurances maladie complémentaires (AMC) ».
Rédigées par Etienne Marie et Juliette Roger, les conclusions de ce rapport de 133 pages publié en fin de semaine sont favorables au dispositif du tiers-payant, même si certains points nécessitent d’être éclaircis.
Le changement de fonctionnement des modes de paiement des médecins est en effet une entreprise complexe : en 2012, les « 109 981 médecins généralistes et spécialistes libéraux ont facturé près de 523 millions d’actes dont 475 millions aux seuls assurés du régime général », rappelle le rapport. Au total, les honoraires des omnipraticiens représentaient 6,1 milliards d'euros en 2012 et ceux des spécialistes 10,3 milliards d'euros.
Faciliter l’accès aux soins
Pour la mission d’évaluation, la généralisation du tiers payant « est une réforme très positive pour l’ensemble des assurés » qui faciliterait l’accès aux soins, mais pourrait également contribuer à réguler le recours aux services des urgences (où les assurés n’ont pas à avancer les frais). Le rapport recommande de mettre en place une généralisation volontaire, afin « d’impliquer au maximum [...] d’une part les médecins, d’autre part les AMO et AMC.» Les auteurs estiment que la généralisation volontaire entraînera « la généralisation de fait » et proposent de faire un point 5 ans après sa mise en place.
Après avoir évalué le fonctionnement actuel du tiers payant, le rapport pointe du doigt le fait que « les pertes financières supportées par les médecins suite à un rejet de leur facture restent globalement limitées ». Si les chiffres transmis par la Caisse nationale de l'Assurance Maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) font état de « taux de rejets [du paiement des médecins, parce que le patient n’est plus assuré par exemple] globaux de l’ordre de 1,19% pour les omnipraticiens et de 1,32% pour les spécialistes », le rapport juge que ces chiffres sont en réalité bien inférieurs. De plus, le rapport juge que les délais de paiement des médecins sont « globalement maîtrisés », et que la « charge administrative associée au tiers payant s’est trouvée limitée par le développement de certains logiciels. »
Plus complexe pour la part complémentaire
Cependant, le fonctionnement de la dispense d’avance de frais s’avère être plus complexe pour la part complémentaire : le rapport critique les « incertitudes quant au champ d’application de la garantie financière; des délais de paiement jugés globalement excessifs ; des formalités administratives induites par la multiplicité des interlocuteurs présents, tous ces facteurs concourant à une pratique marginale du tiers payant complémentaire ».
La diversité des organismes complémentaires génère également des pratiques variables en matière de paiement des médecins. Afin de remédier à ces problèmes, la mission propose « l’option fondamentale d’éclater les flux de facturation entre l’assurance maladie obligatoire et les assurances maladie complémentaires, dès lors que celles-ci seraient regroupées en quelques plateformes de gestion.» Cette pratique a déjà cours pour les autres professions de santé et pourrait être mise en place rapidement.
Le rapport a été particulièrement critiqué par la Confédération des Syndicats Médicaux Français, le principal syndicat de médecins, qui juge que ce n’est qu’un « écran de fumée » qui ne pourra mettre en place « qu’une usine à gaz de plus » [...] « qui se fera aux dépends des médecins car elle est techniquement impraticable » .