Depuis 2001, le Code pénal suisse autorise l'assistance au suicide, à condition que celle-ci ne soit pas motivée par un « mobile égoïste ». Le suicide assisté qui désigne le fait de fournir à une personne les moyens de se suicider, se distingue donc de l'euthanasie. La mort n'est pas déclenchée par un tiers, mais par le patient lui-même lorsqu'il n'y a plus aucun espoir de guérison et que les souffrances sont devenues intolérables. Plus de 10 ans après la légalisation de cette "prestation" proposée par de grandes associations locales, des chercheurs ont mené une étude qui dresse le portrait-robot des demandeurs. Des résultats publiés ce mercredi dans la revue britannique International Journal of Epidemiology.
1301 demandes en cinq ans
Dans le cadre de cette recherche, les trois associations suisses proposant l'aide au suicide dans le pays (Exit Deutsche Schweiz, Exit Suisse Romande, et Dignitas) ont transmis à l'Office fédéral de la statistique des indications anonymisées relatives aux 1301 cas où elles ont apporté une aide au suicide entre 2003 et 2008 à des personnes résidant en Suisse.
Ensuite, le Pr Matthias Egger et ses collègues de l'Université de Berne ont corrélé ces données avec celles de la Swiss National Cohort, une étude de cohorte sur la population suisse qui repose sur des données tirées des recensements de la population. Grâce à ce recoupement, ils ont pu établir où ces personnes habitaient, quel était leur degré d'instruction, et si elles vivaient seules ou avaient des enfants.
Plus de femmes que d'hommes font la demande
Les résultats montrent tout d'abord que le suicide assisté est plus fréquent chez les femmes (740) que chez les hommes (561). Les demandes émanent aussi davantage de personnes vivant seules, et sans appartenance religieuse. Les taux d'aide au suicide étaient également plus élevés dans les zones urbaines, par rapport aux zones rurales, et aussi dans les quartiers les plus riches. « Ces observations s'opposent à la théorie selon laquelle la pression sur les personnes socialement plus faibles suscite une extension de l'aide au suicide », estime Matthias Egger. Et ce dernier de rajouter « qu'il se peut également que des personnes éduquées et nanties aient un accès plus facile à l'aide au suicide, par exemple pour des raisons financières. »
En outre, le suicide assisté concernait plus de Suisses francophones que ceux de langue allemande ou italienne. Enfin, avoir des enfants était associé à une plus faible demande de l'aide au suicide chez les jeunes, mais pas chez les personnes âgées.
Un cancer souvent à l'origine de ce choix
Par ailleurs, dans le groupe d'âge 25-64 ans, la majorité des demandeurs avaient un cancer (57 % ), suivies par les maladies du système nerveux (21 %). En outre, onze personnes ayant demandé un suicide assisté avaient un trouble de l'humeur, et trois avaient un autre trouble mental ou comportemental.
Dans le groupe des 65-94 ans, là encore le cancer était de nouveau la cause la plus commune (41 %).
Enfin, dans environ 200 des 1301 cas, l'acte de décès officiel ne comportait aucune indication quant à la maladie dont la personne était atteinte. Pour cette raison, les chercheurs recommandent d'établir un registre où les organisations d'aide au suicide seraient obligées d'inscrire des données anonymisées. « Pour un sujet aussi délicat, l'Etat devrait regarder les choses de plus près (...), de sorte que l'aide au suicide par les associations soient davantage surveillées. "