Neuf recommandations pour passer à l’an II de la démocratie sanitaire, c’est ce que contient le rapport remis vendredi dernier par Claire Compagnon à la ministre de la Santé Marisol Touraine. Cependant, selon Claire Compagnon, déjà connue pour avoir été à l’initiative des Etats Généraux des malades du cancer, ce nouveau souffle pour les droits des patients passera forcément par un vrai statut.
Les représentants des usagers ne peuvent pas rester des bénévoles comme les autres. Et pour que le rôle qu’ils jouent désormais dans le système de santé depuis la loi du 4 mars 2002 ne reste pas une simple caution consultative, il faut notamment qu’ils puissent bénéficier d’indemnités, de formations et de protection juridique s’ils se font lanceurs d’alertes.
La Haute Autorité de Santé montre presque l’exemple
En matière d’indemnité justement, la Haute Autorité de santé (HAS) considère déjà qu’un usager siégeant dans une de ses instances est un expert au même titre qu’un médecin ou un économiste. Il reçoit donc le remboursement de ses frais de déplacement et l’indemnisation d’une demi-journée ou une journée de présence à la HAS pour compenser la perte de revenu.
Cependant, là où le bât blesse dans cette grande institution, c’est qu’il n’y a pour le moment pas encore un représentant des usagers dans chacune de ses commissions. En effet, ils ne siègent notamment pas dans les 2 commissions d’évaluation, ni à la Commission de la Transparence pour le médicament. Leur constitution est définie par décret et Jean-Luc Harousseau, président de la HAS, a bon espoir de voir les usagers entrer prochainement dans ces 2 commissions clés et pas uniquement pour avoir un strapontin.
Ecoutez le Pr Jean-Luc Harousseau, président de la HAS : « Dans les semaines ou mois qui viennent, j’espère que ce problème sera réglé, mais cela impliquera un travail de formation des usagers. »
Mais le rapport de Claire Compagnon préconise également de laisser une place aux usagers dans les établissements de santé et essentiellement dans les lieux de décision. L’exemple-type, c’est la CRUQPC, la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge. Elles existent partout, mais elles sont par endroit « de véritables coquilles vides, des structures formelles résultant d’une obligation légale », précise le rapport. Et surtout, il manque une articulation effective entre la CRUQPC et la politique qualité des établissements, pour que la représentation des usagers pèse in fine sur les arbitrages.
Le CHU d’Angers recueille l’avis des citoyens
Cité en exemple par Claire Compagnon pour son forum citoyen, le CHU d’Angers a eu l’idée d’aller au delà de la présence des usagers imposée par la loi. Depuis 2013, 24 d'entre eux ont été désignés pour participer à un forum citoyen. Ils ont entre 25 et 76 ans et sont employés, ouvriers, retraités ou encore représentants d'associations d'usagers de l'hôpital. Tous ont répondu à l’appel du CHU pour apporter un regard critique et constructif sur le projet d’établissement. Ces volontaires ont par exemple émis 14 recommandations allant de l’amélioration du stationnement autour du CHU, au développement de la chirurgie ambulatoire, en passant par la limitation des consultations privées à l’hôpital.
Ecoutez Yann Bubien, directeur général du CHU d’Angers : « Je voulais que le forum ait un regard citoyen, car les directeurs ou les médecins, il y a parfois des choses qu’on ne voit plus, même si on travaille dans l’intérêt des patients ».
Marisol Touraine annoncera en avril, dans la stratégie nationale de santé, les recommandations retenues pour insuffler ce nouvel élan à la démocratie sanitaire.