« Le docteur m’a dit qu’il n’y avait aucun traitement, c’est sûr ? Je voudrais savoir si vous pouvez faire quelque chose pour moi parce qu’aujourd’hui je suis vraiment désespérée… » Agée de 76 ans, cette dame souffre depuis quelques années de la maladie de Charcot Marie Tooth, une maladie neurologique rare entraînant une atrophie musculaire et une déformation douloureuse des pieds et des mains.
A l’autre bout du fil, au 01 56 53 81 36, Marie-Claude Bergmann est l’une des trois chargées d’écoute et d’information pour Maladies Rares Info Services. Plusieurs dizaines de fois par jour, elle renseigne les appelants sur leur maladie, vérifie qu’ils sont correctement pris en charge ou les oriente vers les spécialistes de leur région et vers les associations de patients souffrant de la même maladie.
800 maladies différentes traitées
En 2013, ce sont près de 4000 appels et 1500 mails concernant plus de 800 maladies différentes qui ont été traités ici, au 2e étage de la plateforme Maladies rares, située à l’hôpital Broussais à Paris. Même en cette veille de Journée internationale des Maladies rares génératrice de nombreux appels, l’endroit n’a rien d’un centre d’appels type grand open-space impersonnel où les opérateurs enchaînent les communications le plus rapidement possible.
Chez Maladies Rares Info Services au contraire, chacune dans leur petit bureau, les chargées d’écoute privilégient, comme leur nom l’indique, le temps et la qualité d’écoute ainsi que la précision des réponses en s’appuyant sur le site Orphanet, portail d’informations sur les maladies rares.
A cette dame atteinte de la maladie de Charcot Marie Tooth, Marie-Claude Bergmann confirme qu’il n’y a malheureusement pas de traitement curatif pour l’instant mais qu’elle peut bénéficier de davantage de séances de kiné pour la soulager et l’oriente vers l’association susceptible de lui envoyer quelqu’un une fois par semaine pour l’aider à faire son marché. « Quelque soit le motif initial de l’appel, une demande d’information médicale dans 50 % des cas, ou d’orientation vers les centres experts de leur pathologie dans 30% des cas, la conversation dévie quasi systématiquement vers le quotidien, le vécu que les gens ont besoin de partager », souligne Marie-Claude Bergmann.
Ecoutez Marie-Claude Bergmann, chargée d’écoute et d’information pour Maladies Rares Info Services : « Qui nous appelle ? Le malade lui même une fois sur deux ou alors les proches, un conjoint, un parent pour son enfant ou un enfant pour son parent âgé »
« Dans la majorité des cas, les gens qui nous appellent ont enfin mis un nom sur leur maladie, ils sont sortis de la phase très douloureuse de l’errance diagnostic qui maintenant dure en moyenne 3 ans », explique Thomas Heuyer, délégué général de Maladies Rares Info Services. L’absence de diagnostic entraine en effet une non reconnaissance du statut de malade. Lorsque la médecine elle-même peine à trouver de quoi vous souffrez, difficile de le faire accepter à vos proches, à votre employeur … et la tentation est grande de vous étiqueter malade imaginaire.
Surtout pas du diagnostic par téléphone
Mais l’idée de la ligne téléphonique créée en 2001 avec des fonds de l’AFM-Téléthon et du ministère de la Santé n’est absolument pas de faire du diagnostic par téléphone. « Certaines personnes nous appellent avec une liste de symptômes et elles attendent beaucoup de nous. Très vite, elles réalisent qu’on ne peut pas faire de consultation à distance mais comme nous pouvons les orienter vers le service médical spécialisé le plus proche, elles raccrochent quand même avec un début de réponse », raconte Christine Vicard. Pédiatre et généticienne, elle est la seule médecin parmi les chargées d’écoute de Maladies Rares Info Services. Les appels les plus délicats, notamment ceux de futurs parents auxquels un diagnostic de maladie rare vient d’être annoncé, lui sont donc souvent transférés par ses collègues. « Souvent les gens sont moins impressionnés par téléphone, ils osent poser plus de questions qu’à une consultation de génétique. Et surtout, je peux prendre le temps d’expliquer et de réexpliquer », souligne la chargée d’écoute.
Ecoutez Christine Vicard, chargée d’écoute et d’information pour Maladies Rares Info Services : « Ce n’est pas de la consultation à distance, on ne donne surtout pas d’avis diagnostic ou de pronostic par téléphone ! »
« Ici, c’est comme un rond-point. Vers le centre-expert le plus proche, vers l’association de malades, vers un site d’informations sur les essais cliniques, on aiguille les gens au bon endroit », décrit Barbara Girerd, conseillère en génétique à l’hôpital Bicêtre (94) venue prêter main forte aux chargées d’écoute en cette veille de Journée internationale des maladies rares.
Comme pour confirmer ses dires, le téléphone sonne : « Ma mère a une sarcoïdose, je ressens de grandes difficultés pour respirer, je voudrais faire les tests pour savoir si je suis malade aussi. Je ne sais pas à qui m’adresser, est-ce que vous pouvez m’aider ? », demande une quinquagénaire à l’angoisse palpable. Les conseils sont simples, s’adresser à son médecin généraliste en vue d’éventuels examens complémentaires chez un pneumologue, mais la personne raccroche soulagée. « Souvent, le simple fait de confirmer à la personne qu’elle est bien prise en charge et qu’elle est suivie dans un centre-expert de sa maladie, est rassurant. Et quand vous dites Huntington et que la personne au bout du fil ne vous demande pas Huntig- quoi ? vous pouvez m’épeler ? ça change tout ! », raconte Marie-Claude Bergmann.
Un modèle pour nos voisins européens
La plateforme téléphonique française sert aujourd’hui de modèle à nos voisins. « Les Portugais se sont inspirés de ce système. Il y a quelques mois, les Suisses sont venus voir comment on travaille et se former auprès de nos chargées d’écoute. Sur les maladies rares en général et sur le système d’information et d’écoute en particulier, la France a une position de leader en Europe », souligne Thomas Heuyer, délégué général de Maladies Rares Info Services. Mais un leader qui n’est pas sûr d’avoir longtemps les moyens de ses ambitions. Le 2e plan Maladies Rares touche à sa fin en 2014 et l’incertitude est très grande sur la poursuite des financements publics indispensables en complément des fonds du Téléthon.