Aux Etats-Unis, la mortalité due à Alzheimer serait largement sous-estimée. La faute aux médecins qui mettent souvent une autre cause dans le certificat de décès. La situation serait similaire en France.
Aux Etats-Unis, la maladie d'Alzheimer pourrait provoquer autant de décès que les pathologies cardio-vasculaires ou le cancer, d'après une étude publiée ce mercredi dans la revue Neurology. Ces résultats sont cependant très éloignés des statistiques des Centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC) basées sur les certificats de décès nationaux, qui prétendent que cette dégénérescence cérébrale incurable figure actuellement au sixième rang dans la liste des principales causes de mortalité dans le pays. D'après ce même organisme, les maladies cardio-vasculaires et le cancer occupent eux les deux premières places de ce triste classement. Pour expliquer ce fossé, le Dr Bryan James, du Centre médical de l'Université Rush (Chicago), principal auteur de l'étude, confie : « La maladie d'Alzheimer et d'autres formes de démence souvent ne figurent pas dans les certificats de décès et les dossiers médicaux. » « Ces documents indiquent le plus communément la cause directe et immédiate de la mort comme une pneumonie plutôt que de mentionner la démence comme une cause sous-jacente », rajoute le chercheur.
Une maladie souvent sous-diagnostiquée en France Pour mener cette étude, l'équipe américaine a analysé les données de deux études de cohorte sur le vieillissement. Et dans le cadre de ces travaux, les participants s'étaient engagés à donner leur cerveau une fois décédés. Cela a permis à ces scientifiques d'avoir un diagnostic de la cause de la mort extrêmement précis. Menée sur un groupe de 2 566 personnes âgées de 65 ans et plus avec une moyenne d'âge de 78 ans, cette étude démontre que le taux de mortalité était quatre fois plus élevé chez les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer chez les 75 à 84 ans, et près de trois fois plus fort pour celles de 85 ans et plus. Résultat : plus d'un tiers de tous les décès dans ces groupes d'âge ont été attribués à Alzheimer et cette maladie était présente chez 90 % des personnes décédées. Conclusion du Dr Bryan James, ces chiffres traduiraient un nombre estimé de 503 400 décès dus à la maladie d'Alzheimer dans la population américaine de plus de 75 ans en 2010. Un chiffre cinq à six fois plus élevé que les 83 494 morts dues à Alzheimer enregistrées par les CDC qui se basent sur les certificats de décès rapportés par les médecins américains.
« Mais cette sous-estimation de la mortalité liée à la maladie d'Alzheimer existe aussi en France. Elle est chez nous aussi très importante, » confie le Pr Philippe Amouyel, contacté par la rédaction de pourquoidocteur. Surtout que pour ce directeur de la Fondation Plan Alzheimer, la sous-estimation du nombre de décès n'est pas le seul problème. Ce dernier rappelle qu'aujourd'hui, seuls près de 400 000 Français seraient touchés par la maladie d'Alzheimer et déclarés pour cette pathologie en affection longue durée (ALD). « Alors que d'après les dernières données épidémiologiques environ 850 000 Français seraient effectivement touchés par la maladie », précise-t-il. Plusieurs raisons à cela, soit le diagnostic de la maladie n'a pas été fait, soit il a été posé mais les patients n'ont, par la suite, pas fait de déclaration en ALD, soit elle a été déclarée en ALD mais personne ne s'y est intéressé lors du décès. Résultat, souvent au moment de la mort, le médecin oublie d'indiquer la maladie d'Alzheimer comme cause du décès.
Ecoutez le Pr Philippe Amouyel, directeur de la Fondation Plan Alzheimer : « Pour mettre en 2e cause de mortalité "Alzheimer", encore faut-il savoir que le patient est touché par la maladie. Or, en France, il y a un important sous-diagnostic...»
Ecoutez le Pr Philippe Amouyel: « C'est une maladie importante qui est un vrai problème de santé publique. Et il faut s'en occuper extrêmement vite parce que cette pathologie a une particularité...»