Vos dettes de sommeil se chiffrent en neurones perdus. C’est ce que révèle une étude américaine publiée aujourd’hui dans le Journal of Neuroscience. Ces chercheurs de l’Université de Pennsylvanie ont soumis des souris à un rythme veille/sommeil comparable au travail en 3x8, alternant de courtes phases de repos et des temps d’éveil courts ou longs. « Plusieurs recherches chez l’homme ont montré que les capacités de concentration et plusieurs autres aspects de la cognition ne revenaient pas à la normale, même après 3 nuits de sommeil réparatrices, posant la question d’une atteinte durable du cerveau, explique le Dr Sigrid Veasey, chercheuse en neurobiologie circadienne et co-auteur de cette étude. Nous voulions savoir précisément si le manque chronique de sommeil affecte les neurones, si cette atteinte est réversible et quels neurones sont touchés. »
Un quart des neurones du système veille/sommeil détruits
Leurs observations chez la souris ont effectivement confirmé une atteinte du cerveau. Au bout de quelques jours en 3x8, ce qui correspond à une dette de sommeil chronique chez l’homme, l’équipe de Sigrid Veasey a observé des dysfonctionnements dans les neurones du locus coeruleus, la zone du cerveau qui contrôle l’alternance veille-sommeil. Une protéine, SirT3, essentielle dans la régulation de l’activité énergétique de ces neurones se met progressivement à manquer, allant jusqu’à causer la mort d’un quart des neurones de cette région cérébrale.
Les chercheurs ont observé que ces neurones impliqués dans le cycle veille/sommeil étaient capables de s’adapter à un manque de sommeil ponctuel mais pas à des phases d’éveil prolongé. Ce qui suggère, selon cette équipe, qu’il serait possible en augmentant le taux de protéines SirT3 de « sauver » les neurones ou du moins de les protéger du manque de sommeil chronique.
Un mécanisme à confirmer chez l’homme
Sigrid Veasey souligne que d’autres études doivent être menées pour établir si des phénomènes similaires se produisent dans le cerveau humain et déterminer quelles sont les durées d’éveil à risque pour le cerveau. « Le vieillissement, le diabète, l’alimentation riche en graisses et le mode de vie sédentaire pourraient tous contribuer à réduire les taux de SirT3. Si les cellules, et particulièrement les neurones, ont des taux réduits de SirT3 avant le manque de sommeil, les personnes pourraient faire courir un risque encore plus grand à leurs neurones », avance la chercheuse.
La prochaine étape pour cette équipe va être de sur-exprimer la protéine SirT3 dans ces neurones particuliers chez des souris pour observer si cela protège effectivement leurs neurones des effets délétères du rythme en 3x8. « Si nous parvenons à montrer que l’on peut protéger les cellules de l’éveil prolongé, alors nous serons sur la piste d’une cible thérapeutique prometteuse pour des millions de travailleurs postés », conclut la spécialiste.