Ils ont été trahis par leurs analyses d’urine. Ces 208 Britanniques hypertendus participaient à une étude de l’Université de Cambridge et selon les résultats publiés dans le journal Heart, un quart d’entre eux ne prenaient pas correctement son traitement. Pas du tout pour 10% d’entre eux et pas complètement pour les autres.
Ce manque d’observance, selon le terme médical consacré, est une difficulté pour toutes les maladies chroniques, mais particulièrement pour l’hypertension. Les spécialistes estiment qu’au bout d’un an, la moitié des malades ne suivent plus à la lettre l’ordonnance de leur médecin. « Dans la vie d’un individu, l’hypertension est souvent la 1e maladie qui nécessite de prendre quotidiennement un médicament. Elle fait basculer du statut de sujet bien portant à celui de malade chronique, même si le patient se sent toujours bien portant », souligne le Pr Jean-Jacques Mourad, hypertensiologue à l’hôpital Avicenne à Bobigny (93). « Les patients à qui on découvre une hypertension après un accident, un AVC ou un infarctus par exemple, ont eu peur. La question ne se pose pas. Dès l’initiation du traitement, ils le prennent. Mais pour les autres, la majorité, à qui on la découvre par hasard, il faut un temps d’acceptation », poursuit le Pr Claire Mounier-Vehier, cardiologue au CHRU de Lille (59).
Prendre le temps de l’explication
Pour ces deux spécialistes, le temps est un élément-clé dans la lutte contre l’inobservance chez les hypertendus. Prendre le temps d’expliquer la maladie au moment du diagnostic, prendre le temps d’interroger le malade sur ses difficultés dans la prise quotidienne du traitement, ces moments sont précieux pour parvenir à ce que les professionnels de santé appellent « l’alliance thérapeutique » entre le médecin et son patient contre la maladie. D’où l’importance que le diagnostic d’hypertension fasse l’objet d’une véritable « consultation d’annonce » permettant de bien expliquer la maladie et son traitement.
Ecoutez le Pr Claire Mounier-Véhier, cardiologue au CHRU de Lille : « Il faut vraiment que ce soit un accord partagé. Si on prend le temps d’expliquer au patient le bénéfice qu’il a à se traiter, on augmente la chance qu’il le continue au long cours. »
Ritualiser la prise de médicament
Une fois le diagnostic posé, il faut que la prise du traitement devienne un rituel, pour éviter de l’oublier. Pour faire rentrer le médicament dans ses habitudes, « toutes les solutions sont bonnes, assure Claire Mounier-Véhier, poser sa boîte de médicaments à côté de sa cafetière ou de sa théière pour être sûr de la voir au petit déjeuner, mettre la mémoire de toute la famille à contribution ou encore utiliser l’alerte de son téléphone portable ou un pilulier électronique. » Mais il faut également anticiper les départs en vacances ou les week-ends pour ne pas oublier l’antihypertenseur, sagement posé à côté de la cafetière !
Ecoutez le Pr Jean-Jacques Mourad, hypertensiologue à l’hôpital Avicenne à Bobigny : « Nous ne sommes pas génétiquement programmés pour prendre des cachets tous les jours, il faut créer une habitude. »
Les ateliers d’éducation thérapeutique, dans lesquels les patients apprennent comment fonctionnent leurs médicaments, comment rééquilibrer leur alimentation ou encore comment prendre eux-mêmes leur tension avec un appareil d’automesure, contribuent également à renforcer l’implication de la personne dans son traitement. Ce qui peut être très utile lorsque le temps passe et qu’il faut continuer à prendre des médicaments chaque jour.
Raccourcir l’ordonnance au maximum
Lorsque l’hypertension et son traitement sont installés, c’est l’écoute du médecin qui permet de détecter les problèmes d’observance. « Si on se contente de la question fermée "Vous prenez bien votre traitement ?" La réponse est oui à 99%. Mais ce n’est pas un interrogatoire policier où le patient doit avouer », souligne Jean-Jacques Mourad. D’autant plus que lorsque la maladie avance, il est souvent nécessaire de changer de médicament et d’augmenter le nombre de comprimés. Il est facile pour les médecins de penser que si la tension du malade ne revient pas dans les clous, c’est parce qu’il ne suit pas bien son traitement. « Mais dans beaucoup de cas, la responsabilité est aussi médicale. Le patient n’a pas la dose efficace ou pas la molécule la plus adaptée. Du coup, le manque d’efficacité constaté n’encourage pas à bien suivre son traitement », souligne le Pr Mourad. Il insiste également sur la nécessité de ne pas empiler les médicaments mais au contraire de réduire l’ordonnance au minimum nécessaire.
Ecoutez le Pr Jean-Jacques Mourad : « On a des molécules à longue durée d’action, des comprimés associant plusieurs molécules. Il y a des moyens dans la pharmacopée pour raccourcir l’ordonnance à l’indispensable. »
La qualité de la relation entre l’hypertendu et son médecin joue donc pour beaucoup dans l’acceptation initiale et au long cours du traitement. Elle permet également aux patients d’oser faire part de leurs doutes et de leurs inquiétudes sur leurs médicaments, leur efficacité ou leurs effets indésirables. Autant d’interrogations qui sont, pour les médecins, des signes d’une éventuelle mauvaise observance, très rarement évoquée comme telle par le patient.