Une prise de sang pour savoir si l’on est atteint d’un cancer ou si sa tumeur est maligne. Ce pourrait un jour être possible, selon une étude publiée ce 6 avril dans Nature Genetics. Une équipe de l’Ecole de médecine de Stanford (Californie, Etats-Unis) a mis au point un test qui examine l’ADN circulant dans le sang. Il permet de déterminer le type de tumeur et de surveiller l’évolution du cancer du poumon à travers plusieurs marqueurs sanguins.
Un ADN spécifique aux tumeurs
« Nous avons conçu une méthode qui surmonte deux obstacles majeurs dans le domaine de l’ADN tumoral circulant. D’abord, la technique doit être très sensible, pour détecter de très faibles quantités d’ADN tumoral dans le sang. Ensuite, pour être utile en clinique, le test doit fonctionner de manière standard pour une majorité de patients avec un cancer donné », explique le co-auteur de l’étude, Maximilian Diehn. Ces deux questions sont résolues avec succès : le test détecte la moitié des cancers du poumon de stade 1, et la totalité des cancers à un stade supérieur. Grâce à cet examen, ils peuvent aussi surveiller l’évolution du cancer, en traquant l’ADN tumoral circulant.
Les cellules cancéreuses, comme toutes les cellules, se développent et meurent – même sans traitement. Elles libèrent donc de l’ADN dans le système sanguin (l’ADN tumoral circulant), qui est comparable à des signaux génétiques. Il se distingue de l’ADN normal par la présence de mutations dans les différentes séquences. « La majorité de l’ADN circulant provient de cellules normales, non cancéreuses, même chez des patients avec un cancer avancé », précise le Dr Scott Bratman, auteur principal de l’étude. L’objectif de l’équipe : décoder l’ADN spécifique aux tumeurs pour comprendre leur fonctionnement.
Une méthode extensible
L’examen sanguin est ciblé au point qu’il peut détecter une molécule tumorale parmi 10 000 molécules saines. Dans le cadre de cette étude, il s’est concentré sur les tumeurs à grandes cellules, dont il a identifié 139 gènes qui mutent de manière récurrente. Mais ce test devrait s’appliquer à de nombreuses autres. Il « pourrait, en théorie, fonctionner sur n’importe quelle tumeur » selon Ash Alizadeh.
L’approche devrait aussi s’avérer utile dans le pronostic : elle a permis de détecté des niveaux d’ADN tumoral circulant chez un patient traité avec succès. Au cours de la période de suivi, son cancer a récidivé et il est décédé. Chez un patient dépisté à un stade précoce, l’examen n’a révélé aucun ADN circulant ; celui-ci n’a développé aucun cancer.
Enfin, une mutation induisant une résistance au médicament le plus utilisé a été repérée grâce au test, ce qui suscite l’enthousiasme : « Si nous pouvons surveiller l’évolution de la tumeur, et observer l’apparition de sous-clones résistants au traitement, nous pourrons ajouter des traitements, ou les modifier pour cibler ces cellules », anticipe Maximilian Diehn.
Ce n’est pas la première fois qu’un test ADN est utilisé pour évaluer la virulence d’une tumeur : en mars dernier, une équipe soulignait l’intérêt d’un dosage micro-RNA pour estimer la malignité des nodules dans le cancer du poumon. Ces deux tests éviteraient des examens complémentaires pour des tumeurs malignes.