Avec 71 000 nouveaux cas et 8000 décès par an, le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme après 50 ans. Alors que les problématiques de surdiagnostic et de surtraitement de cette maladie reviennent régulièrement dans l’actualité, une nouvelle stratégie suscite l’enthousiasme des médecins. Alternative aux traitements traditionnels de ce cancer tels que la chirurgie ou la radiothérapie, ce procédé révolutionnaire couplant les ultrasons et l’imagerie médicale mis en place pour la 1ère fois au monde par une équipe française, attaque de façon très ciblée la tumeur cancéreuse et donc la zone à détruire, tout en préservant les tissus sains environnants. Cette technique d’ultrasons focalisés, expérimentée en 1ère mondiale depuis 3 ans à l’hôpital Edouard-Herriot à Lyon, est depuis quelques semaines également en évaluation dans les CHU de Bordeaux, Toulouse, Lille et Paris.
Ecoutez le Dr Sébastien Crouzet, urologue à l’hôpital Edouard Herriot à Lyon : « On a déjà traité 200 patients et on a des complications que dans 1% des cas, alors qu’avec les traitements standards on a entre 30 à 50% des patients qui ont un trouble érectile. »
Une séance de 2h maximum en ambulatoire et sans cicatrice
Ce tout nouveau traitement du cancer de la prostate présente de nombreux avantages pour les patients. Tout d’abord, il ne nécessite pas d’anesthésie générale. Ainsi, la séance se déroule donc la plupart du temps sous rachianesthésie, c’est-à-dire que seul le bas du corps est endormi. Autre point positif, l’intervention se fait par les voies naturelles, ce qui n’entraîne aucune cicatrice et donc des suites opératoires beaucoup plus faciles pour le patient. Enfin, en 30 minutes à 2heures maximum, le malade est débarrassé de sa tumeur de la prostate.
Concrètement comment ce dispositif médical baptisé « Focal One » fonctionne t-il ? Cet appareil fusionne pour la 1ère fois les ultrasons avec l’IRM et l’échographie 3D. « Il y a une sonde échographique qui permet de voir la prostate, mais aussi une sonde de traitement qui détruit la zone de la prostate indiquée, précise Sébastien Crouzet. C’est comme une imprimante, on lui définit un volume à traiter en 3D et l’appareil va aller le détruire et le brûler par ultrasons focalisés de haute intensité ». Enfin, pour cet urologue, l'autre avantage de cette technologie est qu’elle permet au chirurgien de contrôler en direct ce qu’il fait, et d’ajuster la taille de la zone de prostate à traiter.
Ecoutez le Pr François Desgrandchamps, chef du service d'urologie à l'hôpital Saint-Louis à Paris : « On attendait ça depuis longtemps, la prouesse c’est de coupler l’imagerie IRM et écho 3D et les ultrasons peu invasifs. Cela permet de bien repérer les petites tumeurs et de ne traiter qu’elles. »
Un risque d’inflation du surtraitement ?
Actuellement, cette nouvelle modalité du traitement du cancer de la prostate est encore au stade de l’évaluation et n’est proposée qu’à des patients à un stade de risque faible ou intermédiaire. Mais pour certains spécialistes, il faudra être vigilant au fait que le développement de cette technique ne pousse pas, à nouveau, à traiter des patients qui n’en auraient pas besoin. « Le grand danger, c’est l’inflation de traitements inappropriés, sous prétexte qu’ils sont peu agressifs, ajoute le Pr Desgrandchamps. Alors qu’on identifie mieux qui doit être traité et qui ne doit pas l’être, le risque c’est de nouveau, d’être amené à trouver des cancers qui n’ont de cancer que le nom et à traiter des patients pour rien ».
Pour les auteurs de cette première, l’objectif principal de cette technologie n’est pas de traiter davantage de patients, mais seulement de traiter le cancer tout en évitant au maximum les effets secondaires et les séquelles telles que l’incontinence urinaire. D’autant que pour le moment tous les cancers de la prostate ne sont pas indiqués pour cette méthode. « L’idéal c’est lorsque les hommes ont une seule ou peu de tumeurs, qu’elle soit localisée et qu’il n’y ait pas de métastases. Actuellement les cancers à haut risque ne sont pas inclus dans notre étude et les patients sont sélectionnés attentivement, » précise le Dr Sébastien Crouzet pour qui il est hors de question de basculer dans le « on traite tout ce qu’on trouve ».
Ecoutez le Dr Sébastien Crouzet : « Il y a sûrement une partie des patients sous surveillance active qui pourront en bénéficier pour leur éviter un traitement radical, mais une tumeur qu’on ne verrait pas à l’IRM il est hors de question de la traiter. »
Par ailleurs, cette nouvelle méthode prometteuse pourrait être utile dans d’autres maladies. Une évaluation est actuellement en cours à Lyon sur l’utilisation de cette technologie dans le cancer du foie avec métastases. « L’avantage des ultrasons c’est qu’ils traversent les tissus, à partir de là, on doit pouvoir cibler un peu n’importe où dans le corps humain. On voit déjà des applications pour les fibromes de l’utérus. Et ce n’est pas tout, l’Inserm est également en train de tester cette technique dans les arythmies cardiaques, » conclut Sébastien Crouzet.