A 29 ans, Julien Artu a eu un grave accident de voiture. Résultat : cinq mois d’hospitalisation, dont quelques uns où il était alité 24h/24. « Au début, votre famille et vos amis viennent vous voir, puis peu à peu, il n’y a plus personne. Surtout si, comme moi, vous changez d’établissement et vous êtes hospitalisé loin de vos proches. » Confronté à cet isolement social, le jeune homme a eu l’idée de créer un site de rencontres pour personnes hospitalisés. « Attention, ce n’est pas un Meetic de l’hôpital, prévient immédiatement Julien Artu. Le but du site, anciennement hôpital affinité, et rebaptisé myhospifriends, n’est pas de faire des rencontres amoureuses, mais de rendre le séjour hospitalier plus agréable en favorisant la rencontre avec d’autres malades partageant les mêmes passions que soi.
A l’heure où de nombreuses communautés de malades se créent sur Internet pour échanger sur leur pathologie, le concepteur de «myhospifriends » a pris un parti radicalement différent. « Sur notre site, la maladie n’a pas vraiment sa place. On essaie justement de l’oublier en faisant des rencontres et en discutant cinéma, en faisant un tournoi de belote ou en échangeant des photos de voyages. », précise Julien Artu.
Ecoutez Julien Artu, concepteur du site myhospifriends : "Vous précisez si vous êtes valide, quelles sont vos affinités, vous choisissez un avatar, et voilà ! Il peut y avoir une vie sociale à l'hôpital".
Myhospifriends s’adresse donc en priorité à des personnes hospitalisées pour de longues périodes, à ceux qui seront le plus frappés par l’isolement social. Inutile par ailleurs d’être un « geek » pour surfer sur ce site de rencontre. D’autant que l’objectif n’est pas de rester dans le virtuel mais d’inciter les malades à faire de vraies rencontres, à l’autre bout du couloir… Bien sûr, la maladie empêche parfois de franchir ces quelques mètres, les échanges virtuels peuvent donc aussi rompre l’ennui. Quant à l’âge avancé, il peut aussi constituer un obstacle.
Ecoutez Julien Artu : "Nous aimerions que notre réseau soit accessible aux paraplégiques grâce à des systèmes qui permettent de contrôler un clavier virtuel avec sa pupillle."
Déjà présent sur Facebook et sur Twitter, le réseau social est actuellement en test dans plusieurs établissements. Le CHU de Nice était le premier établissement à tenter l’aventure. Martine Rajzman, directrice de la communication du CHU, a immédiatement été séduite par le projet : « D’une manière générale, l’hôpital n’est pas un lieu de rencontres, mais un lieu où l’on arrive fragilisé physiquement et psychologiquement, on y est dépaysé, parfois réduit à la maladie que l’on porte… Donc, dans un contexte général où l’on parle de « déshumanisation de l’hôpital », de « moins de temps consacré au patient en relation », n’est-ce pas un objectif à atteindre que des patients se rencontrent, s’évadent de leur quotidien en recréant du lien humain ? » Bien sûr, il n’est pas question de perturber le bon déroulement des soins. « Mais, je ne pense pas que des patients en soins soient justement dans une logique de sortir de la chambre pour jouer, indique Martine Rajzman. Si tel était le cas, ce ne serait pas incompatible avec un respect du règlement. »
L’expérimentation menée au CHU de Nice a permis de valider que la greffe prend bien. Myhospifriends est installée depuis deux semaines à l'hôpital Foch, à Suresnes, dans deux services, pneumologie et maternité. Toutes les chambres y sont équipées de tablettes tactiles avec un lien sur le réseau social. L'application devrait également être implantée dans un important hôpital parisien cette semaine. La mise en place n'est pas compliquée, il faut juste que le wi-fi soit installé partout, ce qui n’est pas le cas dans tous les hôpitaux. Ensuite, pour que l’établissement soit référencé sur « myhospifriends », il doit payer une licence. Puis, le patient se voit proposer ce service, comme n’importe quel autre. Des offres couplées avec le service de télévision pourraient être envisagées.
Depuis peu, les patients sous traitement non régulier à l'hôpital, telles que les personnes sous chimiothérapie peuvent désormais conserver leur identifiant lorsqu'ils quittent l'hôpital pour le retrouver losqu'ils y retournent.
L’hôpital 2.0 est donc bien en marche. Certains hôpitaux intègrent cette technologie dès la phase de conception. Au tout nouvel hôpital de Metz, des écrans tactiles multimédia avec webcam sont installés à la tête du lit. Ils permettent notamment de faire des visioconférences avec sa famille grâce à Skype.