Le cancer est-il incompatible avec une activité professionnelle ? Les avis divergent selon la position hiérarchique dans l’entreprise. Selon le 3e Observatoire sociétal des cancers, publié par la Ligue contre le cancer ce 17 avril, les salariés atteints d’un cancer sont nombreux à considérer que c’est un sujet tabou, notamment à cause d’une mauvaise expérience.
Des aménagements lacunaires
3 salariés sur 10 perdent ou quittent leur emploi dans les deux ans suivant un diagnostic de cancer. Un changement de situation qui intervient souvent 15 mois après l’annonce. Certains n’ont pas le choix : ils doivent continuer de travailler. C’est le cas de l’ensemble des professionnels indépendants. Ceux qui travaillent à mi-temps dans le secteur général ou agricole ne bénéficient pas d’indemnités journalières maladies. Le reste des actifs connaît l’absentéisme pendant la maladie : ils sont 68% à être arrêtés au moins une fois.
Ceux qui restent font face à un dilemme : comment poursuivre son activité, dans quelles conditions et dans quelle proportion ?
La question est pour le moins épineuse. Parmi les actifs atteints d’un cancer, 11% se sentent « pénalisés professionnellement à cause de leur cancer. » Et pour cause : la maladie a des répercussions sur le travail dans la moitié des cas. Une bonne part des salariés juge même qu’un travail moins intéressant leur a été imposé, sous couvert d’aménagement des tâches. Les autres (30%) estiment que leur supérieur n’a pris aucune mesure pour les accompagner dans la maladie.
Le fossé salariés-employeurs
Les mauvaises expériences des salariés expliquent que le cancer soit tabou sur le lieu de travail pour 60% d’entre eux. L'exemple le plus récent : l'ancienne ministre déléguée à la Famille Dominique Bertinotti, qui a poursuivi son mandat sans évoquer son cancer du sein. Contrairement à elle, les plus nombreux à taire leur état de santé sont des employés de plus de 50 ans (40%), souvent en bas de la hiérarchie (employés, personnels de service, ouvriers). Ceux qui parlent abordent d’abord le sujet avec leur supérieur hiérarchique ou leurs collègues.
Les chefs d’entreprise ne voient pas la maladie de la même façon. Pour 92% d’entre eux, le sujet doit être évoqué sur le lieu de travail. Une majorité d’entre eux estime mettre en place les mesures nécessaires pour aider un salarié à conjuguer maladie et emploi. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un aménagement des horaires ou des tâches, ou d’une réduction du temps de travail.
Quant aux collègues en bonne santé, ils reconnaissent que quand un salarié est atteint de cancer, cela perturbe la vie de l’entreprise. Le fonctionnement global est bouleversé pour 40% d’entre eux, celui d’un service l’est pour 35% d’entre eux. Certainement parce qu’une bonne partie des chefs d’entreprise répartissent la charge de travail entre les employés. De quoi alourdir encore un peu la pression sur les épaules des malades.