Les antidépresseurs et autres benzodiazépines sont en plein boom, et l’environnement en pâtit. Le journal Aquatic Toxicology a consacré ce 16 avril une édition entière à la présence de ces molécules en milieu aquatique. Une équipe de l’université du Wisconsin à Milwaukee (Etats-Unis) rapporte un fait inquiétant : les faibles concentrations de Prozac relevées dans les rivières affectent déjà le comportement des poissons.
Des mâles plus agressifs
L’expérience a été menée pendant 4 semaines sur 4 groupes de poissons tête de boule, qui vivent dans les eaux douces d’Amérique du Nord. Le premier groupe a servi de référence, les trois autres ont été exposés à différentes doses de fluoxétine (Prozac). L’impact de la molécule est indéniable : les chercheurs ont noté une modification du comportement qui nuit à la pérennité de l’espèce.
« Les mâles de cette espèce sont responsables de la sécurité du nid, de son nettoyage, puis du nettoyage et de la protection des œufs », soulignent les auteurs de l’étude. « Toute perturbation de ces tâches met en danger la survie des œufs. » Or, ce sont justement les premiers à souffrir de l’exposition à la fluoxétine. Les mâles sous Prozac nettoient de manière compulsive leur nid… mais ne s’intéressaient plus à la reproduction. Pire : les spécimens exposés aux plus fortes doses attaquent même les femelles qui s’approchent pour pondre. « La survie des femelles était de seulement 33% par rapport aux autres expositions, où le taux de survie était de 77 à 87,5% », souligne Rebecca Klaper, auteur de l’étude. Conséquence directe : les femelles pondent moins… et l’espèce décline.
Un mécanisme de survie affecté
Autre problème : les poissons exposés au Prozac se nourrissent moins, ou du moins plus lentement. Parmi les deux groupes les plus exposés, le délai pour manger 10 daphnies (petits crustacés) était plus long. Certains n’en consommaient aucun pendant 45 minutes. Face à un faux prédateur, le mécanisme de survie est également affecté : les poissons mettent plus de temps à réagir, dès les niveaux d’exposition les plus bas. Les plus exposés ne réagissent même plus à la menace.
Si le sujet peut paraître léger, ses implications sont bien réelles. La consommation de médicaments est à la hausse, et chaque individu en rejette, sans compter l’industrie. Ces rejets médicamenteux se retrouvent dans la nature et affectent tout un écosystème. Les concentrations relevées en milieu naturel sont extrêmement basses. Mais on observe déjà des effets pour les antidépresseurs, qui ne représentent qu’une infime partie des médicaments rejetés dans la nature. « Ce qui est inquiétant, c’est qu’un nombre croissant d’études démontre que ces effets s’observent à des concentrations similaires à celles de nos rivières et de nos estuaires, et qu’ils affectent un large panel de fonctions biologiques, et une variété très large d’organismes aquatiques », s’alarme Alex Ford, rédacteur en chef invité de l’édition.