Voilà une différence bien surprenante: la répartition des mélanomes n’est pas la même selon le sexe. C’est ce que montre une étude parue en ligne dans le British Journal of Dermatology. Une équipe du CHU de Reims (Marne) a recueilli les données associées à 1 542 mélanomes enregistrés dans la région Champagne-Ardenne entre 2004 et 2011.
Tronc chez l’homme, jambes chez la femme
Chez les hommes, le mélanome se localise plutôt sur le tronc, souvent exposé en été. Les femmes, elles, sont plutôt touchées au niveau des membres inférieurs, notamment les chevilles et le dessous des pieds. L’habillement estival peut être pointé du doigt : jupes, shorts et sandales favorisent l’exposition de ces zones. On observe toutefois une progression des mélanomes chez les femmes de moins de 45 ans. « Cela signifie qu’il y a une évolution chez les femmes jeunes, qui exposent leur tronc de manière intermittente – que ce soit dans le cadre d’activités de mer, de piscine ou de bronzage ou dans le cadre des cabines à UV », souligne le Pr Florent Grange, chef du service de dermatologie au CHU de Reims et co-auteur de l'étude, contacté par pourquoidocteur.
Les cheveux protègent les femmes
C’est en observant la répartition des mélanomes sur le visage que les résultats sont les plus criants. Ils reflètent non seulement le mode de vie traditionnel des populations observées, mais aussi l’importance de certains traits physiques. Ainsi, les hommes sont bien plus touchés à la périphérie du visage (cou, oreilles, tempes, scalp et nuque dans la moitié des cas) tandis que le centre du visage est plus touché chez les femmes (bouche, nez, paupières, joues dans 3 cas sur 4).
« Cela amène à penser à la manière de se coiffer pour les femmes, puisque des cheveux longs ou tombant sur le cou protègent du mélanome. Pour les hommes, en particulier s'ils sont chauves, cela amène à penser à cette vulnérabilité et à l'intérêt de se protéger avec des casquettes, chapeaux et écrans solaires », estime le Pr Florent Grange.
Cibler la prévention
« Il faut que les femmes sachent l’importance que peut avoir leur coiffure, pas seulement en termes d’esthétiques, mais aussi en termes de santé, » plaisante le Pr Florent Grange. Le déséquilibre est aussi latéral : si la partie droite du visage féminin est plus touchée, c’est l’opposé chez les hommes. Là encore, la tradition pèse lourd : il s’agirait ni plus ni moins d’une répercussion de la position dans la voiture.
« On pense que l'explication c'est que, dans la voiture, les hommes sont plus souvent à gauche et les femmes à droite. Cela veut dire qu'une part des mélanomes sont expliqués par l'exposition au soleil en voiture, qu'on roule fenêtres ouvertes ou fermées. La fenêtre ouverte, les UVA et les UVB passent, la fenêtre fermée, les UVA passent quand même, » résume le Pr Grange.
Ces observations sont précieuses car elles devraient permettre d’adapter, mais surtout de cibler les conseils de prévention. Insister sur l’importance de se protéger en voiture fait partie des priorités : « Je pense qu’il faut informer les gens de l’intérêt qu’il y a à se protéger du soleil en voiture. C’est le cas de ceux qui ont un usage professionnel de leur voiture (taxis, routiers, commerciaux), mais aussi de toute personne qui roule pour partir en vacances. Personne ne se met de crème », déplore le Pr Grange. Les messages préventifs devraient d’ailleurs mettre à profit la variété des supports disponibles et s'adapter au public cible.
« On peut trouver des médiums plus ciblés : l'homme chauve dans des magazines masculins, des thématiques pour les femmes dans les magazines féminins. Il pourrait y avoir des campagnes d'information dans les péages d'autoroute, sur les écrans solaires...», développe le Pr Grange. « On pourrait aussi cibler certaines populations, comme les chauffeurs routiers, qui passent des heures dans leur camion. Ils ne sont peut-être pas assez suivis sur ce plan. »