Surpopulation, violences, problèmes de santé des détenus, une fois de plus le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, dénonce la poudrière que constituent les prisons françaises. Cette fois-ci l'homme et ses contrôleurs sont allés inspecter du côté du quartier des mineurs de la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault). Une fois de plus le bilan est alarmant. Surtout qu'ici, les médecins des prisons sont également pointés du doigt pour leur passivité.
L'administration peu encline à la transparence
A la suite de signalements de violences entre mineurs, deux contrôleurs se sont rendus sur place du 17 au 20 février 2014, afin d’apprécier la véracité de ces informations. Tout d'abord, le rapport relate que les contrôleurs ont rencontré des difficultés importantes pour obtenir les informations nécessaires à l’établissement des faits, « comme si on avait voulu minimiser l’ampleur des violences en cause et l’absence de réactions efficaces », est-il écrit. Mais surtout, Jean-Marie Delarue s'alarme des violences qui se déroulent au quartier des mineurs. Il les qualifie même de « très sérieuses » et fréquentes. « Rien à voir avec des bagarres de cour d'école », précise-t-il.
Ainsi, rien que du 1er janvier 2013 au 11 février 2014, vingt-quatre violences graves ont été recensées dans la cour de promenade des mineurs.
De la violence en toute impunité
Car parmi les lieux les plus à risque dans une prison figure la cour de promenade. « Faute de parade efficace, ces agressions se poursuivent. La cour de promenade comporte des angles morts et de nombreux incidents échappent au surveillant chargé de surveiller la cour à distance. Et dans ce climat de violences quotidiennes l'impunité règne en maître. « Les procédures disciplinaires sont lentes (délais de plusieurs mois) et compte-tenu de la durée moyenne de détention des enfants, beaucoup ne sont jamais punis. »
Les médecins en prison pas à la hauteur de l'enjeu
Par ailleurs, même si une prise en charge pluridisciplinaire des enfants existe, la transmission d’informations paraît mal assurée, assurent les contrôleurs. Et dans cette chaîne de dysfonctionnements, ces derniers notent que le médecin ne délivre des certificats médicaux « qu’aux intéressés et ne signale jamais aux autorités judiciaires des cas de violences dont il aurait eu à connaître. »
Là encore le parquet indique ouvrir une enquête à chaque fait de violence, mais il n’est pas possible de savoir en quelle proportion ces faits sont portés à sa connaissance et les enquêtes se heurtent le plus souvent au silence des victimes et de leurs parents.
Résultat, les rédacteurs de ce rapport s'inquiètent de la persistance de pratiques violentes au sein du quartier des mineurs qui met très sérieusement en péril l’intégrité corporelle des mineurs incarcérés, « en contradiction avec les principes de droit à la vie et de ne pas subir des comportements inhumains et dégradants, tels qu’ils figurent dans la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (articles 2 et 3) et dans la Convention internationale des droits de l’enfant (articles 6 et 37). »
Les recommandations du contrôleur des prisons
Enfin, Jean-Marie Delarue conclut en indiquant qu'il existe dans ces lieux « une sorte de résignation aux formes d’agression constatées, au motif que ces enfants seraient "naturellement" portés à la violence. » Mais comme cette circonstance ne peut être admise comme « irrémédiable », le contrôle émet des recommandations. D'une part que des surveillants soient présents dans les cours, et pour commencer celles des mineurs, pour prévenir les trafics et violences.
D'autre part, le contrôleur suggère la fin de l'impunité pour les auteurs de violences. « Ils doivent être poursuivis sur les plans disciplinaire et si nécessaire pénal, si la matérialité des faits est établie. Des procédures rapides auraient un plus grand intérêt éducatif et pourraient empêcher le développement d’un sentiment d’impunité dans le quartier des mineurs. »
Enfin, la dernière recommandation des contrôleurs est prononcé à l'encontre des médecins, parce que « la question du signalement à l’autorité judiciaire par les médecins ayant constaté les conséquences corporelles d’agressions se pose. »
Ainsi, la possibilité offerte par le code de déontologie aux médecins de signaler les cas de sévices ou de mauvais traitements « devrait être conçue largement concernant des enfants incarcérés, isolés de leurs familles et craignant de se plaindre », concluent-ils.