Chaque année, 23 millions d’enfants dans le monde n’ont pas accès aux vaccinations infantiles indispensables notamment contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche, souligne l’Organisation mondiale pour la Santé qui organise la semaine mondiale de la vaccination du 24 au 30 avril. Pour Médecins Sans Frontières, l’un des freins à la vaccination dans les régions chaudes de la planète tient à la nécessité de maintenir constamment la chaîne du froid pour conserver les vaccins entre 2 et 8 degrés jusqu’à l’injection.
« Pour les campagnes vaccinales que nous menons sur le terrain jusque dans les villages les plus reculés, nous devons transporter en très peu de temps des milliers de flacons de vaccins dans des glacières, avec des accumulateurs de froid congelés au préalable. C’est une logistique assez compliquée vu les contextes dans lesquels nous intervenons », explique Julien Potet, en charge des vaccins au sein de la Campagne d’accès aux médicaments essentiels de Médecins Sans Frontières.
Efficacité conservée jusqu'à 40°
Pourtant, il serait possible de réduire ces contraintes logistiques. MSF a mené une étude au Tchad sur un vaccin contre le tétanos développé par un industriel indien. La moitié des femmes ont reçu le vaccin rigoureusement maintenu au froid tandis que les autres ont reçu un vaccin conservé pendant 30 jours à température ambiante jusqu’à 40°C. La protection contre le tétanos s’est avérée identique chez toutes ces femmes, l’efficacité du vaccin n’a pas varié avec les conditions de température de conservation.
Ecoutez Julien Potet, en charge des vaccins au sein de la Campagne d’accès aux médicaments essentiels de MSF : « Le concept derrière tout ça, c’est la chaîne de température contrôlée. Il s'agit de pouvoir se passer de la chaîne du froid pour la dernière étape de transport du vaccin jusque dans les villages isolés. »
1 seul vaccin autorisé hors chaîne du froid
Mais les humanitaires ne peuvent pas décider d’eux-mêmes d’assouplir cette dernière étape de la chaîne du froid si contraignante sur le plan logistique. Il faut que des études soient menées pour vérifier que la sécurité et l’efficacité de la vaccination restent inchangées et les agences réglementaires doivent autoriser vaccin par vaccin cette utilisation en conditions de chaîne de température contrôlée. Pour le moment, seul le vaccin MenAfriVac utilisé contre la méningite A en Afrique a obtenu en novembre 2012 le feu vert de l’OMS pour être utilisé après exposition jusqu’à 40° pendant 4 jours. Mais MSF a déjà dressé une liste prioritaire d’autres vaccins dont il serait important de tester rapidement la thermostabilité.
Ecoutez Julien Potet : « Les priorités, ce sont tous ces vaccins qui sont utilisés dans des stratégies mobiles, en campagne : les vaccins contre le choléra, contre la rougeole ou encore ceux contre la fièvre jaune. »
MSF en appelle aux industriels
MSF appelle donc les entreprises pharmaceutiques à s’investir davantage en faveur des vaccins thermostables en publiant les données dont elles disposeraient déjà, en prenant part à des études telles que celle menée au Tchad sur le vaccin antitétanique et en déposant auprès des instances réglementaires des demandes d’autorisation d’utilisation en dehors de la chaîne du froid. « Les choses évoluent tout doucement. L’OMS sensibilise les industriels à l’importance de plus de flexibilité dans la chaîne du froid. Certains y sont sensibles, les fabricants indiens par exemple mais les grands producteurs de vaccins des pays riches, Sanofi Pasteur en France par exemple, restent assez réticents », regrette Julien Potet.
Ecoutez Julien Potet : « GSK vient de signer un accord avec la fondation Gates pour stabiliser son candidat-vaccin contre le paludisme dont le développement est presque fini. A terme, il faudrait que l’objectif d’utilisation en dehors de la chaîne du froid intervienne plus tôt dans le processus. »
L’objectif des ONG est en effet de parvenir à intégrer cette notion de thermostabilité dès la conception des vaccins. D’autant plus lorsqu’il s’agit de candidats-vaccins contre des pathologies qui ravagent tout particulièrement les régions chaudes de la planète comme le paludisme ou le Sida.