Alors que le virus du Sida a été découvert il y a maintenant 30 ans, certaines pratiques font figure d’anachronisme. C’est contre l’une d’entre elles que Jean-Luc Romero, président des Elus locaux contre le Sida, et conseiller régional d’Ile de France, se bat. Depuis un arrêté du 20 juillet 1998, il est en effet interdit de pratiquer des soins de conservation (la thanatopraxie) sur les corps des personnes décédées du VIH ou d’une hépatite.
Dans une lettre une lettre ouverte adressée le 24 avril à François Hollande, Jean-Luc Romero fait un constat amer : “Aujourd’hui, après plus de 30 années de lutte contre le VIH/sida, 30 ans d’action, 30 ans d’engagement, quelle est la situation [?]” Et de dresser un tableau sombre : “L’Etat français interdit que les proches, les amis, la famille d’une personne décédée touchée par le VIH ou une hépatite virale puisse rendre un dernier hommage [au défunt]”. Pour Romero, cette interdiction est une “situation inhumaine” et ne fait que “rajouter de la souffrance à un moment de choc aussi dur que l’annonce d’un décès, empêcher le deuil, discriminer les malades même après leur mort.”
“Sur le plan de la santé publique”, le président d’ELCS explique au président de la République que la réglementation “ne fait que renforcer le climat de stigmatisation qui enserre les malades et, toutes les études le démontrent, la sérophobie est un frein très fort à l’efficacité de toute politique de prévention et de promotion du dépistage”.
“J’en appelle à vous” conclue Jean-Luc Romero, “pour protéger la santé des professionnels que sont les thanatopracteurs. Pour mettre fin à une discrimination inhumaine. Pour que nos morts ne soient plus des pestiférés. Pour affirmer que chaque défunt a droit au respect.”
Une interdiction très critiquée
Le conseiller régional d’Ile de France n’est pas seul dans son combat : ces dernières années, le Conseil national du sida, le Haut Conseil à la Santé publique et le Défenseur des droits ont tous demandé la levée de cette interdiction. Dans un courrier adressé le 24 mars au Défenseur des droits, Marisol Touraine a elle-même réaffirmé sa volonté de faire évoluer la législation. Une volonté confirmée par son ministère, qui a indiqué au quotidien Le Monde vendredi 12 avril que « la levée de cette interdiction est désormais un principe acquis, et [que] la discrimination subie par les familles [de malades] [allait] enfin cesser ».
Création d’un lieu dédié
En janvier 2012, la Direction générale de la santé indiquait « qu’il était possible d’autoriser des actes de conservation invasive des corps chez des personnes atteintes de certaines pathologies infectieuses, dont le VIH et les hépatites, dès lors que les conditions adéquates de pratique de la thanatopraxie auront été définies ».
L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale de l’administration (Iga) ont demandé dans un rapport rendu fin février « que le VIH et l’hépatite soient retirés de la liste des maladies pour lesquelles la pratique des soins funéraires est interdite » à condition que les soins de thanatopraxie soient réservés à des lieux dédiés, sans aucun risque pour la santé des thanatopracteurs.
Lancée au mois de décembre dernier sur le site change.org, une pétition pour la levée de l'interdiction des soins funéraires aux personnes séropositives compte aujourd'hui près de 95 000 signataires.