Le sexe des chercheurs pourrait avoir une influence sur les résultats des expériences réalisées en laboratoire sur des rongeurs. C’est ce que vient de démontrer une étude parue dans la revue Nature Methods. En effet, d’après cette analyse dont les résultats pourraient bien inquiéter des générations de scientifiques ayant travaillé sur des rats ou des souris, le sexe de l’expérimentateur aurait notamment une incidence marquée sur le niveau de stress et donc sur le comportement des rongeurs, largement utilisés dans le cadre d’études précliniques. « Dans les congrès, les scientifiques se chuchotent à l’oreille que les rongeurs qu’ils utilisent comme sujets semblent sentir leur présence, ce qui pourrait influer sur les résultats expérimentaux, mais cet effet n’a jamais été clairement démontré jusqu’ici », affirme Jeffrey Mogil, professeur de psychologie à l’Université McGill au Canada et principal auteur de cette étude.
L’odeur des hommes perturbe les réactions des souris
Ainsi pour en finir avec les bruits de couloir concernant les réactions potentiellement biaisées des rongeurs, cette équipe a donc analysé les réactions de rats et de souris dans plusieurs situations. Ils ont injecté un produit sensé induire la douleur chez plus de 600 rongeurs en cage, à proximité d’hommes, de femmes, de vêtements portés par des hommes ou des femmes ou encore même d’autres animaux de sexe masculin. Leurs réactions ont ensuite été ensuite enregistrées dans ces différentes conditions. Au final, la présence d’expérimentateurs de sexe masculin, contrairement à celle de femmes, a notamment induit chez les souris et les rats une réaction de stress comparable à celle observée après avoir enfermé les rongeurs dans un tube pendant 15 minutes. De plus, ce stress a contribué à réduire leur sensibilité à la douleur. Enfin, cette équipe a surtout découvert que l’effet exercé par les hommes sur le niveau de stress des rongeurs était attribuable à l’odeur de ces derniers, et plus précisément aux phéromones. Ces substances sécrétées par les glandes situées sous les aisselles sont retrouvées à des concentrations plus élevées chez les hommes que chez les femmes.
Mentionner le sexe du chercheur dans les études
« Les résultats que nous avons obtenus suggèrent que le sexe de l’expérimentateur est l’un des principaux facteurs intervenant dans l’incapacité des scientifiques à reproduire les résultats des études expérimentales chez l’animal, explique le Pr Robert Sorge, de l’Université de l’Alabama, co-auteur de l’étude. Et ce facteur ne fait l’objet d’aucune mention dans la section décrivant les méthodes expérimentales dans les articles publiés ». Au vu de ces résultats, même s’ils méritent encore d’être confirmés, il est donc légitime que la communauté scientifique s’interroge sur l’intérêt de mentionner le sexe des manipulateurs pour l’interprétation des études scientifiques réalisées sur des rongeurs. Toutefois, les auteurs de cette analyse précise que le changement de comportement des animaux face aux hommes pourrait être contré grâce à certains aménagements. « La bonne nouvelle, c’est que le problème peut facilement être résolu en apportant des changements simples aux méthodes expérimentales. Puisque les effets de la présence masculine diminuent au fil du temps, l’expérimentateur pourrait demeurer dans la même pièce que les animaux avant le début de l’essai, » conclut le Pr Mogil.