C’en est bientôt fini des plâtres lourds et inesthétiques, sources d’inconfort et de démangeaisons. La solution, rapportée par le quotidien britannique The Telegraph, s’appelle Osteoid. Il s’agit d’un plâtre ou plutôt d’un exosquelette conçu dans une matière plastique légère grâce à une imprimante 3D. Réalisé à partir du scanner du membre fracturé, il est parfaitement sur mesure et peut aller dans l’eau sans problème. Doté d'un système d’électrodes à ultrasons baptisé LIPUS (Low intensiy Pulsed UltraSound), ce plâtre d’un nouveau genre promet de réduire le temps de guérison de 38 % à raison de 20 minutes d'utilisation quotidienne des ultrasons. Son concepteur, le turc Deniz Karasahin vient d’être récompensé par un trophée international de design et il faudra encore quelques années pour que son prototype devienne un outil médical au quotidien.
Des cellules humaines à la place de l’encre
Mais les promesses de l’impression en 3D sont bien réelles dans le domaine de la santé. D’abord parce que cette technique s’appuie sur une première étape numérique, l’objet est d’abord conçu grâce à des logiciels. Or en médecine, les données du scanner permettent une visualisation très précise en trois dimensions, ce qui permet vraiment une conception sur mesure. L’étape de production de l’objet, l’impression en elle-même, se fait ensuite par apport de couches successives de matière, comme on empilerait des Lego. Et cette matière peut être du plastique, comme pour le plâtre design Osteoid mais aussi de la résine, du métal ou plus fou encore, des cellules humaines pour imprimer des tissus vivants. Cette technique s’appelle la bio-impression et en France, elle est développée depuis 2005 à Bordeaux par l’Unité Inserm BioTis pour bioingénierie tissulaire. Imaginez une imprimante où le jet d’encre serait remplacé par des cellules en suspension envoyées non pas sur une feuille mais sur une matrice pour composer cellule par cellule, couche après couche, un tissu vivant, qu’il s’agisse de peau ou d’os par exemple.
Ecoutez Fabien Guillemot, chercheur en bioingénierie tissulaire à Bordeaux : « Pour l’instant, on fabrique des tissus pour des applications de recherche ou pour l’industrie cosmétique. D’ici 5 à 7 ans, on fabriquera des tissus implantables chez l’Homme »
Pour le moment, imprimer un coeur ou un rein en 3D relève encore de la science-fiction. Mais la limite n’est pas technique. La difficulté, c’est que ces organes complexes sont constitués de dizaines de types cellulaires différents dont on n’a pas encore parfaitement bien compris comment ils se mettent en place les uns par rapport aux autres pendant le développement embryonnaire des organes. On ne peut donc pas être suffisamment précis dans les consignes de conception données à l’imprimante. « En revanche, on peut imaginer à moyen terme des organes artificiels, comme le coeur Carmat par exemple, intègrant des éléments en tissus bio-imprimés », explique Fabien Guillemot.
L’imprimante 3D est entrée à l’hôpital
Le coût d’une imprimante capable de faire de la bio-impression se chiffre en centaines de milliers d’euros. Mais sans aller jusqu’à de telles sommes, même les imprimantes 3D plus “grand public” ont un intérêt dans le domaine médical. Le service de chirurgie maxillo-faciale et reconstructrice du CHU de Dijon est le 1er de France a avoir investi en décembre dans 2 imprimantes 3D à 3000 euros. Depuis début 2014, 23 patients ont bénéficié avant leur chirurgie d’une reconstitution de leur crâne à partir des données du scanner. Ce prototype imprimé de la structure osseuse du patient a non seulement l’avantage pédagogique de permettre aux jeunes chirurgiens de s’entraîner à réaliser la reconstruction avant d’entrer au bloc opératoire mais il fait également gagner du temps aux chirurgiens expérimentés.
Ecoutez le Pr Narcisse Zwetyenga, chef du service de chirurgie maxillo-faciale et reconstructrice du CHU de Dijon : « Sur une opération courante de la pommette qui dure 90 minutes, on gagne 30 minutes en préformant les plaques avant, sur la structure imprimée en 3D. »
Ce gain de précision et de rapidité une fois sur le site opératoire intéresse également d’autres spécialités que la chirurgie reconstructrice. « A Dijon, les collègues d’orthopédie et de chirurgie pédiatrique sont venus voir nos imprimantes et sont très intéressés et nous sommes aussi contactés de partout en France par des équipes qui veulent en savoir plus sur cette nouvelle approche », raconte le Pr Zwetyenga.
Imprimer puis implanter des prothèses sur mesure
L’étape suivante, c’est le passage du prototype imprimé sur lequel travaille le chirurgien à la prothèse imprimée et directement implantable. Les dentistes ont une longueur d’avance puisqu’on conçoit déjà grâce à des imprimantes 3D des implants dentaires sur mesure. En chirurgie, des équipes américaines ont déjà conçu et implanté une prothèse crânienne en polymère, une mâchoire ou encore une sorte d’attelle pour restaurer l’ouverture de la trachée chez un petit garçon né avec une malformation. « Plus le matériau avec lequel on veut imprimer les prothèses est noble et plus il faut une imprimante coûteuse. Mais il est certain que l’impression 3D est LA voie d’avenir », s’enthousiasme le Pr Zwetyenga.
Ecoutez le Pr Narcisse Zwetyenga : « On pourra proposer une prothèse parfaitement sur mesure. L’opération sera plus courte, l’hospitalisation aussi et donc les complications seront réduites. »
Pour le moment, un frein réglementaire demeure en France. Les hôpitaux n’ont pas le droit d’implanter du biomatériel qu’ils auraient eux-mêmes produit. Mais pour ces pionniers français, les choses devront rapidement changer car l’imprimante 3D est en passe de devenir un outil indispensable de la médecine personnalisée.