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Savon, dentifrice, jouets...

Infertilité masculine : des produits chimiques du quotidien mis en accusation

Par Audrey Vaugrente

Certains produits chimiques présents dans des produits d’hygiène et de beauté nuisent à la qualité du sperme chez l’homme. Les chercheurs appellent à une régulation stricte.

DURAND FLORENCE/SIPA

Dentifrice, jouets pour enfants, écrans solaires peuvent nuire au sperme humain. Ils contiennent certains produits chimiques artificiels qui perturbent les hormones, selon une étude germano-danoise parue dans EMBO Reports ce 12 mai.

 

Des spermatozoïdes moins sensibles

Certains perturbateurs endocriniens miment les hormones féminines, d’autres agissent comme des anti-androgènes. Ceux-ci sont susceptibles de provoquer une infertilité chez l’homme. On les retrouve dans les aliments, les textiles, les médicaments ou encore les produits d’entretien de la maison ou du corps. Alors que leurs effets délétères sur la santé sont mal connus, cette étude fournit une première estimation : un produit chimique « non toxique » sur trois affecte les capacités du sperme humain.

 

Ces perturbateurs endocriniens agissent sur la chaîne CatSper, qui régit notamment la motilité des spermatozoïdes. Cette chaîne est constituée en grande partie de calcium. Les produits chimiques incriminés augmentent les niveaux de calcium dans les spermatozoïdes. Leur comportement mobile est donc altéré, et ils libèrent trop tôt les enzymes destinés à affaiblir la membrane de l’ovule. Les perturbateurs endocriniens rendent aussi les spermatozoïdes moins sensibles à la progestérone et aux prostaglandines, deux hormones clé que libèrent les cellules autour de l’ovule au moment de la fécondation.

 

Un grave manque de données scientifiques

« Pour la première fois, nous avons montré un lien direct entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens présents dans les produits industriels et des effets néfastes sur le fonctionnement des spermatozoïdes humains », précise le Pr Niels Skakkebaek, principal chercheur de l’équipe danoise. Parmi les 96 perturbateurs endocriniens suspectés, il épingle notamment le 4-methylbenzylidene camphor – un filtre à UV utilisé dans les écrans solaires –, l’agent antibactérien Triclosan – utilisé dans les dentifrices –, ou encore le di-n-butylphtalate (DnBP) – utilisé pour assouplir les plastiques. Le bisphénol A est cette fois innocenté.

 

Le principal problème, c’est que ces perturbateurs endocriniens ont des effets anti-androgènes à des niveaux très bas, similaires aux faibles niveaux que l’on trouve naturellement dans le corps humain. Cette étude met d’ailleurs en évidence un effet d’accumulation : les produits agissent ensemble pour amplifier leurs effets.

Sur les quelques 800 produits chimiques soupçonnés d’interférer avec le système endocrinien humain, « la majorité […] n’a pas été évaluée », soulignent les auteurs de l’étude. La faute à un manque de preuves scientifiques et une large méconnaissance des produits de synthèse. L’un des chercheurs du Centre Européen pour les Etudes avancées et la recherche à Bonn (Allemagne), Timo Strünker, espère que ces résultats serviront de base aux futures lois régissant l’usage de produits chimiques créés par l’homme. « Notre étude fournit des preuves scientifiques qui devraient aider à créer des lois et régir les pratiques dans le monde entier », estime-t-il.