Les autorités sanitaires américaines recommandent désormais à des centaines de milliers d'Américains considérés « à risques » vis-à-vis du sida de prendre quotidiennement un antirétroviral à titre préventif, selon le New York Times.
L'initiative qui vient des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), principales agences gouvernementales américaines en matière de protection de la santé publique et de sécurité publique, concerne le Truvada, seul antirétroviral autorisé en 2012 par l'Agence fédérale des médicaments (FDA) à titre préventif dans le cadre d'une stratégie appelée PrEP (pre-exposure prophylaxis).
Quatre groupes à risques
Ces nouvelles directives des CDC sont adressées à quatre groupes à risques : les hommes homosexuels qui ont des relations sans préservatif, les hétérosexuels ayant des partenaires à hauts risques comme des utilisateurs de drogues injectées, les hommes bisexuels ayant des rapports non protégés, ainsi que toute personne qui a des relations sexuelles régulières avec des partenaires dont la séropositivité est connue. Enfin, quiconque partage des seringues et s'injecte de la drogue peut aussi rentrer dans cette indication thérapeutique.
Pour justifier cette décision, l'autorité rappelle que des études récentes ont montré que chez les hommes utilisant un préservatif, le Truvada permet de réduire de 44 % le risque d’infection par exemple en cas de rupture de préservatif. Et chez des couples hétérosexuels, quand l’un des partenaires est séropositif, il réduit de 75 % le risque d’infection.
Par ailleurs, les CDC d'Atlanta recommandent aussi un test de dépistage avant de commencer le traitement, puis tous les trois mois ensuite. « Je pense que ces directives des CDC sont une bonne idée car nous avons besoin de toutes les formes de prévention possible, et ce médicament est très efficace », a déclaré le Dr Anthony Fauci, directeur de l'Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID) dans un entretien avec l'Agence France Presse.
Les experts craignent un relâchement du recours au préservatif
Toutefois, certaines organisations se montrent très critiques vis-à-vis de l'initiative des CDC, comme AIDS Healthcare Foundation, la plus grande ONG américaine de soins médicaux pour les personnes infectées par le VIH.
Pour son président Michael Weinstein, cette approche « va entraîner une diminution de l'usage des préservatifs déjà en recul et augmenter les autres maladies vénériennes comme la syphilis qui connaît une forte résurgence. »
Un point de vue partagé par les experts français comme le Pr Jean-François Delfraissy, immunologiste depuis 2005 à la tête de l'Agence nationale de recherches sur le Sida et les hépatites. « Il s’agit d’additionner le Truvada comme nouveau mode de prévention aux outils déjà existants, à commencer par le préservatif. On s’adresse à des personnes qui prennent des risques dans leur sexualité mais qui ne sont pas malades. Peut-on alors prendre toute sa vie un traitement préventif non dénué d’effets secondaires ? Risque-t-on un relâchement dans l’usage du préservatif si les gens se sentent protégés par le Truvada ? Le risque de transmission de l’infection est réduit mais pas nul », expliquait ce médecin en juillet 2012 à pourquoidocteur.
« Cette stratégie de prévention combinée a également un coût qui se chiffre en milliers d’euros par an et par personne. La collectivité doit-elle payer alors que des outils de prévention moins coûteux sont disponibles ? Il s’agit d’enjeux sociétaux qui vont bien au delà de la médecine », concluait-il.