En direct de Gut Microbiota for Health (Evian, 26-28 mars 2012)
Les premiers résultats de l’étude européenne MetaHIT (Metagenomic of Human InTestin) viennent d’être présentées fin mars à Paris et ils ont été rediscutés au 1er congrès mondial « Gut Microbiota for Health ». Ils montrent que ce que l’on appelait autrefois la « flore intestinale » se comporte en réalité comme un véritable organe : c'est le « microbiote intestinal ».
MetaHIT visait à dresser le catalogue des gènes des bactéries contenues dans les intestins des européens au moyen de nouvelles techniques performantes d’analyse de l’ADN des bactéries. Cette démarche s’inscrit dans un vaste projet de recherche international, du même type que celui qui a aboutit à la description de la carte du génome humain à la fin du siècle dernier : le « Human Genome Project ».
Ce chantier scientifique majeur avait révélé que le patrimoine humain, l’ADN, était constitué de 23000 gènes, chaque gène servant d’instruction pour la synthèse de l’ensemble des protéines de notre corps. Or, MetaHIT décrit déjà plus de trois millions de gènes dans le microbiote intestinal, c’est-à-dire plus de 150 fois la taille du génome humain !
Mais paradoxalement, après analyse de ce « métagénome » bactérien, et même en tenant compte d’une extrême hétérogénéité individuelle, il apparaît que l’on peut trier l’humanité en seulement 3 groupes « génétiques » assez homogènes, caractérisés chacun par une répartition particulière des espèces bactériennes. Autre surprise, à la différence du génome humain, on ne naît pas avec une répartition particulière de bactéries, mais on l’acquiert, en fonction de ce que l’on mange. De plus, on peut la reconstituer après sa destruction, par exemple lors d’un traitement antibiotique.
Pr Joël Doré, directeur de recherche àl’INRA, à Jouy-en-Josas : "150 fois plus de gènes dans le génome du microbiote que dans le génome humain"
Il s’agit d’une des avancées scientifiques majeures des ces dernières années. Pour bien comprendre, il faut savoir que chacun d’entre nous porte dans ses intestins, 100 000 milliards de bactéries qui sont en interaction étroite avec l’organisme humain. Et les derniers travaux de recherche présentés au congrès Gut Microbiota for Health, à Evian, confirment que cette interaction particulière entre l’homme et les micro-organismes qu’il héberge conditionne sa bonne santé. Les 200 espèces de bactéries qui composent le « microbiote intestinal », se comportent ensemble comme un véritable organe, avec de multiples fonctions, au-delà de la seule digestion des aliments.
Cette masse de bactéries, qui peut atteindre au total près de 2 kg est en effet en équilibre et en contact permanent avec les cellules qui composent notre corps. Les déséquilibres du « microbiote », qui peuvent survenir dans diverses circonstances, ont été impliqués logiquement dans l’apparition de maladies inflammatoires de l’intestin et du côlon, mais aussi dans celle d’un asthme ou d’une l’obésité. Car cette masse bactérienne n’est pas confinée à la seule transformation des aliments et à la synthèse de vitamines. Elle intervient également dans la maturation de notre système immunitaire, lequel est chargé de défendre l’organisme contre toutes les agressions externes. Elle interagirait même avec le cerveau dans un « axe intestin-cerveau » qui conduit à des modifications du comportement dans des expériences animales.
Pendant longtemps, l’étude de la composition bactérienne de ce microbiote a été limitée à une fraction des 200 espèces de bactéries qui le composent par l’insuffisance des moyens d’analyse bactériologique. Mais dans MetaHIT, l’analyse du génome de ces bactéries a permis de mieux comprendre sa composition et ses modifications selon les maladies et les évènements intercurrents.
A la différence du génome humain, dont l’analyse permet surtout de prévoir des maladies ou des réactions à des médicaments, l’étude du « microbiote intestinal » nous offrirait de nouvelles opportunités pour le dépistage et le traitement de nombreuses maladies.