Le TGI de Nanterre a condamné ce jeudi 22 mai le laboratoire UCB Pharma à verser plus de 100 000 euros de dommages et intérêts à Stéphanie Chevallier, une victime du Distilbène, « en réparation de ses préjudices ». Ce médicament dangereux a été utilisé jusqu'en 1977 en France pour prévenir le risque de fausses couches chez des femmes avec une grossesse difficile.
Pas d'ordonnances, ni de malformations typiques
Cette décision de justice est historique parce que c'est la première fois qu'une victime est reconnue « même si la malformation dont elle souffre n’est pas considérée comme typique de l’exposition au Distilbène». Et « même si elle n’a plus en sa possession les ordonnances de l’époque ».
Pour ces raisons, cette « fille Distilbène », née en 1974, a du se battre pendant dix ans pour qu’un lien soit établi entre la malformation utérine dont elle souffre et le fait que sa mère ait pris ce médicament. Dans Le Parisien, son avocate, Me Martine Verdier a confié qu'espérait désormais « qu’une jurisprudence se crée autour de la notion de "seule cause possible" ». Car selon elle, « Stéphanie a eu la chance inouïe que les experts ne trouvent pas d’autre explication à sa malformation que le Distilbène. Il faut que ce soit aux laboratoires de prouver qu’il n’y a pas d’autres causes possibles. »
UCB Pharma dispose à présent d'un mois, à compter de la signification de la décision, pour faire appel.
Une étude sur le risque de cancer du sein chez les filles Distilbène
Pour rappel, depuis des années, des victimes mènent un combat pour obtenir réparation de leur préjudice. En effet, pour une partie des 160 000 femmes qui ont utilisé cette hormone de synthèse, la molécule a eu des effets néfastes sur les enfants : « malformations génitales, problèmes de fertilité, grossesses à risque, fausses couches fréquentes, et aussi, cancers du sein, du vagin et de l’utérus. »
A ce titre, une étude financée par l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) et portée par le Réseau DES-France et la Mutualité Française compare actuellement le risque de cancer du sein des trois générations Distilbène (les mères qui ont pris le médicament, leurs filles et leurs petites-filles) à un groupe de femmes témoins, jamais exposées à ce perturbateur endocrinien.
Etant la première étude sur le sujet menée en France, elle a facilement atteint le nombre de 4000 participantes issues de familles exposées à ce médicament. Les chercheurs de l’Université Paris-Descartes, chargés de l’étude, espéraient pouvoir publier leurs résultats fin 2013. Mais faute de témoins en nombre suffisant, des familles où les femmes n'ont jamais été exposées au Distilbène, il faudra encore attendre un peu. Chiffrer le risque de cancer du sein des filles Distilbène devrait alors permettre de mieux adapter la prévention et le dépistage dans ces familles à risque.