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Epidémie de gale

Evacuation des camps de migrants à Calais : une hérésie sanitaire

Par Bruno Martrette

L’évacuation par la police des camps de migrants à Calais a démarré. La raison principale, une épidémie de gale touchant un quart des réfugiés. Une hérésie sanitaire pour les associations de médecins.

Baziz Chibane/SIPA
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La situation à Calais se détériore. Environ 700 personnes étrangères, pour la plupart d’origine syrienne, afghane, érythréenne, fuyant des conflits, des violences et des persécutions, sont installées dans la ville du Nord-Pas-de-Calais. Parmi elles, quelque 550 ont aménagé des camps de fortune sur le port de Calais et aux alentours, ayant demandé l’asile en France ou attendant de passer en Angleterre. 

Ils vivent dans des conditions sanitaires catastrophiques qui ont favorisé le développement d’une épidémie de gale. Or, le mercredi 21 mai, les associations ont appris avec stupéfaction la décision prise par les services de la Préfecture d’Arras : associer dans un même temps une prise en charge médicale et l’expulsion des terrains sur lesquels les exilés ont trouvé refuge depuis plusieurs semaines. Cette mesure a pris effet ce mercredi, jour où la police a commencé à évacuer ces camps de migrants. Cette opération s'est déroulée dans un climat tendu. « Aucune solution d’hébergement n'a été proposée, sauf pour les mineurs, dans un parc de loisirs à plus de 100 km du camp », confie Cécile Bossy, coordinatrice de Médecins du monde sur place, contactée par pourquoidocteur.

Les autorités ont-elles réellement pris des mesures pour traiter les cas de gale ?

Cécile Bossy : En fait, depuis plusieurs semaines déjà, on interpelle l'ARS, les institutions et le gouvernement pour parler des conditions d'hygiène déplorables sur les camps dans lesquels survivent les migrants (pas de toilettes, ni de douches, ni d'eau). Puis, une épidémie de gale que l'on suspectait depuis quelques temps est apparue le 25 avril dans le camp des Erythréens et des Soudanais. En réaction, le préfet a organisé hier un traitement des personnes dans des conditions complètement "infernales". Pour que vous compreniez, il y avait des tables, de l'eau, et des boîtes de stromectol empilées. Rien de plus, aucune intimité n'avait été prévue. En plus, seules les personnes qui le souhaitaient sont venues chercher un traitement. Au final, peu de personnes se sont présentées car il n'y avait en plus aucune information ni prévention à disposition des migrants. A cause de ce déroulement un peu étrange (sans douche, ni décontamination des vêtements) les migrants n'ont pas cru qu'il s'agissait d'un épisode de traitement. Ils ont bien compris que les autorités préparaient une expulsion. Chose qui s'est produite le lendemain.


Est-ce que selon vous, à cause de l'épidémie de gale, il fallait maintenir ces camps de réfugiés ?

Cécile Bossy : Traiter les personnes en même temps que les expulsions ce n'est pas possible. C'est la première chose qui nous choque et nous interpelle. Après, le lieu dans lequel vivent les personnes est indigne donc on n'était pas forcément contre cette expulsion. Mais elle devait se faire d'une façon correcte avec des propositions d'hébergement et de mise à l'abri pour ces personnes. Aujourd'hui, les migrants se retrouvent à la rue, sur le trottoir d'en face dans des conditions infernales. Ils vont errer dans les rues avec une mise en danger de tous les jours. Surtout que la plupart d'entre eux n'ont même pas pris le traitement contre la gale.


Les personnes non traitées encourent-elles un risque pour leur santé ?
Cécile Bossy : Ce n'est pas dangereux la gale, ce n'est pas un problème urgent et vital. Mais la question après, c'est le risque de surinfection au vu des conditions dans lesquelles les personnes vivent. Rester avec cette maladie infectieuse n'est jamais bon pour eux parce qu'il peut y avoir des complications. En plus, il y a des femmes, des mineurs, mais aussi des enfants qui sont concernés. Toutes ces personnes sont très fragiles. 
Par ailleurs, il y a un risque que l'épidémie se propage vu que les personnes sont livrées à elles-mêmes. C'est quelque chose qu'on dénonce aussi. Pourtant, hier encore, ces personnes étaient sur un lieu bien identifié et un simple protocole aurait suffi pour les traiter. Au lieu de ça, l'Etat a choisi de mettre en marche un processus de répression.