350 000 personnes ont appris en 2011 qu’elles souffraient d’un cancer, de la prostate principalement pour les hommes et du sein pour les femmes. Dans les deux cas, il s’agit d’un type de cancer qu’on appelle adénocarcinome, une tumeur maligne qui se développe à partir des cellules d'une glande ou d'une muqueuse.
Et c’est sur ces formes de cancer que l’aspirine s’est révélée la plus efficace, selon les études menées par une équipe de l’Université anglaise d’Oxford et publiée dans la revue médicale The Lancet. A la dose de 75 mg par jour, elle a réduit de 30 à 70% le risque de métastase.
Pour la première fois, l’aspirine démontre qu’elle peut jouer un rôle important dans le traitement de certains cancers. Jusqu’à présent, on avait observé son effet en prévention. Une autre étude de l’équipe britannique le confirme d’ailleurs et démontre que cette "protection" anti-cancer est encore plus rapide qu’on ne le supposait. Dès 3 ans de traitement quotidien par faible dose d'aspirine, la survenue des cancers diminue de 25% et au bout de 5 ans, c'est la mortalité qui est réduite de 34%.
Le mécanisme par lequel ce vieux médicament arrive à perturber le développement du cancer est encore inconnu. Mais certaines observations sur l’animal prennent aujourd’hui tout leur sens.
Francis Raul, directeur du laboratoire Inserm de prévention nutritionnelle du cancer à Strasbourg : « On m’a toujours dit c’est pas transposable à l'homme, visiblement si ».
Francis Raul a d’ailleurs transposé ce qu’il a observé sur le rat à lui même et avale depuis plusieurs années 6 fois par semaine 50 mg d’aspirine en prévention anti-cancer. Mais le corps médical est beaucoup plus réservé à l’idée de nous voir tous prendre de l’aspirine quotidiennement. Tous les médicaments ont des effets secondaires et l’aspirine, même si elle nous semble anodine, ne fait pas exception. Elle fluidifie le sang ce qui peut entrainer en particulier de graves saignements digestifs.
Même si les spécialistes sont enthousiasmés par ces résultats britanniques, ils jugent unanimement beaucoup trop prématuré de recommander à tous la prise quotidienne d’aspirine. D’autant qu’elle n’a jamais été véritablement évaluée contre le cancer. Dans toutes les études menées jusqu’ici, les patients prenaient de faibles doses quotidiennes d’aspirine en prévention cardiovasculaire, comme de milliers de Français le font déjà. Il est maintenant indispensable que des essais cliniques soient menés dans le domaine du cancer pour savoir à qui et à partir de quel âge donner de l’aspirine pour prévenir le cancer et, lorsqu'il est déclaré, en complément de la chimiothérapie pour freiner les métastases ou pour éviter une récidive.Mais pas question de considérer l’aspirine comme une panacée qui nous exempterait de toute autre prévention et notamment des examens de dépistage.
Etienne Dorval, chef du service de gastro-entérologie au CHU de Tours : « L’aspirine ne supprimera pas la nécessité de la surveillance »