A 12 jours du début de la Coupe du monde de football au Brésil, l'équipe de France a rassuré ses fans en écrasant mardi l'équipe de Norvège 4 à 0 au Stade de France (Paris). Mais ce dimanche soir, face au Paraguay, elle devra confirmer ce bon état de forme. Pourtant, toutes les nouvelles ne sont pas des plus rassurantes. Et la blessure reste bien évidemment la principale source de préoccupation de nos Bleus. Surtout que Franck Ribéry et Karim Benzema souffrent respectivement du dos et des adducteurs. A cette liste, s'ajoute aussi des doutes sur le milieu de terrain du PSG Yohan Cabaye qui a la cheville encore fragile. Alors, quelle est la préparation physique de l'équipe de France, comment le staff médical gère-t-il les pépins physiques actuels ? Le Dr Karl Chaory, médecin attitré du Stade Rennais FC (depuis sept ans), apporte des éléments de réponse à toutes ces questions sur pourquoidocteur.
Comment prépare-t-on les joueurs avant une Coupe du monde ?
Dr Karl Chaory : Le médecin, préparateur physique et le coach de l'équipe de France ont récupéré un groupe complètement hétérogène, avec des joueurs qui ont plus ou moins joué pendant la saison. Il y a, c'est sûr, des niveaux physiques complètement différents. Donc à mon avis, il doit y avoir des groupes d'entraînement afin que les charges de travail soient individualisées. Le but, c'est qu'ils arrivent tous à un niveau de performance assez homogène au début de la coupe du monde. Mais en détails, ce ne sont pas des entraînements lourds à ce niveau de fin de saison. Ce sont plus des séances tactiques. Car les joueurs n'ont pas forcément l'habitude de jouer ensemble. C'est sans doute moins axé sur le physique, et plus focalisé sur la partie mise en place du système de jeu de l'équipe.
Les joueurs blessés (Ribéry, Benzema) ont-ils une préparation particulière ?
Dr Karl Chaory : Pour Karim Benzema, avec une blessure aux adducteurs, il ne doit très certainement pas s'entraîner. Ce qui n'est pas très grave vu qu'il a joué son dernier match il y a à peine une semaine. Il doit, j'imagine, consacrer sa préparation à la partie "soins". S'agissant de Franck Ribéry qui souffre du dos, je ne connais pas sa pathologie, mais je suppose qu'en plus de l'entraînement, il doit avoir des séances de kiné, d'osthéopathie et de récupération un peu plus importantes que les autres joueurs.
Les joueurs ont-ils eu des examens médicaux les déclarant aptes à la compétition ?
Dr Karl Chaory : Les médecins de sélection recupèrent généralement ce qui a été fait en club. Ce sont donc les médecins de club qui font le suivi longitudinal dans lequel ils sont obligés de faire passer aux joueurs un test cardiaque, une échographie, un ECG, voir un test d'effort tous les ans. Généralement, les médecins de sélection se basent sur ça pour autoriser leurs joueurs à démarrer l'épreuve. Concernant les prises de sang, les joueurs en font deux fois par an. Donc la dernière des Bleus a dû être faite vers le mois de janvier-février. Pour preuve, les sélections nationales (autres que la France) qui ont des joueurs du Stade Rennais FC m'ont déjà demandé ces éléments-là.
De quoi est composé le staff médical d'une sélection nationale ?
Dr Karl Chaory : C'est à peu près comme en club. En général, il y a deux médecins, et trois ou quatre kinésithérapeutes. Parfois, certains joueurs ont même leur kiné perso qui s'ajoute au staff médical. A ça, il faut aussi ajouter des préparateurs physiques. Dans les équipes de budget moindre, on dispose d'un staff de médecins et de kinés plus resserré, voir à temps partiel pour les sélections nationales disposant d'un budget très limité. Mais ça reste rare à ce niveau là. En fait, comme en club, ça dépend vraiment du budget de la Fédération Nationale qui gère la sélection.
Quelles sont les blessures les plus redoutées par les médecins ?
Dr Karl Chaory : La majorité des blessures du footballeur sont musculaires. Elles surviennent plus souvent en match qu'à l'entraînement. Elles touchent de façon plus fréquente maintenant les ischios-jambiers qui se situent derrière la cuisse. Elles représentent quasiment les trois-quarts des blessures musculaires. C'est le muscle dit : "du sprinteur". Cela est lié au fait que le foot va de plus en plus vite. Ensuite, les blessures les plus fréquentes touchent les adducteurs. Celles touchant le quadriceps et le mollet sont plus rares.
Quant aux blessures dites "traumatiques", comme la cheville ou autres, on n'y peut malheureusement pas grand chose contrairement aux blessures musculaires sur lesquelles on peut prévenir. En résumé, les blessures intervenant lors des "chocs" sont d'autant plus craints des staffs qu'ils ne peuvent pas agir contre elles en amont.
Les conditions climatiques au Brésil sont-elles redoutées des joueurs ?
Dr Karl Chaory : C'est vrai qu'il fera très chaud dans certains lieux (villes, camps d'entraînement, stades). Donc ça aura forcément un impact sur la performance lors des matchs. Il faut toutefois rappeler aux supporters que ce constat est le même pour les deux équipes qui jouent. Mais ces conditions climatiques auront surtout un impact sur la récupération des organismes. Les staffs devront être vigilants, notamment la réhydratation des joueurs. Si elle est insuffisante, c'est un risque accru de blessures à la clé.
La Coupe du Monde est-elle une épreuve plus éprouvante que les autres ?
Dr Karl Chaory : Le fait qu'elle soit placée à la fin d'une saison de championnat la rend contraignante. Car les organismes sont plus fatigués. Cela accroît le risque de blessures. Concernant la fréquence des matchs, pas de soucis, les joueurs sont préparés pour jouer tous les 3 jours. Cela leur arrive même parfois pendant la saison pour ceux qui jouent les compétitions européennes (Champions League, Coupe UEFA). Du coup, ils s'entraînent peu entre chaque match avec beaucoup de temps accordé à la récupération. Les déplacements d'une ville à l'autre vont aussi fatiguer les corps, même si normalement tout est organisé pour que les joueurs arrivent tôt et puissent récupérer. De toute façon, tous ces joueurs sont habitués à mettre leur corps à rude épreuve. C'est le cas toute l'année dans leur club où ils ont pour beaucoup d'entre eux un calendrier de matchs très chargé.