A l'approche des vacances, l'Institut de veille sanitaire vient de publier, comme chaque année ses recommandations sanitaires aux voyageurs. Mais, l'édition 2014 se distingue : les experts mettent davantage l’accent sur les maladies d’importation que sur les petits et gros bobos dont peuvent être victimes les voyageurs.
Selon les experts du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) chargés de mettre à jour ses préconisations chaque année, il s’agit de faire comprendre à la population et aux médecins que le risque de voir se développer des maladies infectieuses exotiques est de moins en moins hypothétique dans l’Hexagone. C’est le cas par exemple avec le coronavirus, ou la grippe aviaire, mais c’est surtout celui du chikungunya ou de la dengue qui inquiète encore davantage les spécialistes. Dans certains départements d’outre-mer il est déjà trop tard, les épidémies sont installées. En métropole, la présence du moustique tigre justifie de se protéger individuellement mais aussi des actions plus collectives, tel qu'un plan d’alerte. Les autorités espèrent sensibiliser la population et tout particulièrement les médecins à l’importance de cette veille sanitaire.
Grippes aviaires, coronavirus, bactéries résistantes
La dernière version des recommandations sanitaires aux voyageurs met donc l’accent sur les maladies exotiques que les voyageurs risquent de rapporter en France. Des pathologies du retour, notamment infectieuses, qui nécessitent une attention particulière car susceptibles de se diffuser directement ou indirectement dans la population. Même si ce risque n’est pas nouveau, d’après les experts du HCSP, il est primordial de sensibiliser les voyageurs, en fonction des zones où ils se rendent, vis à vis des infections respiratoires émergentes par exemple comme les grippes aviaires même si le risque est faible ou encore le Mers coronavirus dans la péninsule arabique.
« Face à toute fièvre avec signes respiratoires dans les 3 semaines qui suivent un voyage au Qatar ou aux Emirats Arabes Unis par exemple, il faut envisager le diagnostic de pneumopathie à Coronavirus, précise le Pr Eric Caumes, infectiologie qui préside la la comité des maladies liées aux voyages du HCSP. Même si à ce jour, la France n’a recensé qu’1 seul cas importé, aujourd’hui ce n’est pas du virtuel, il y a déjà eu 4 cas en GB, il y en a eu aussi en Espagne et en Italie… ». Par ailleurs une autre menace plus surprenante est pointée du doigt dans ces nouvelles recommandations, ce sont les bactéries hautement résistantes et émergentes. Alors que depuis 2011, il est recommandé que toute personne ayant été hospitalisée à l’étranger dans l’année qui précède son hospitalisation en France soit dépistée, malheureusement, en milieu hospitalier, ce n’est pas encore assez systématique.
Ecoutez le Pr Eric Caumes, Président du comité des maladies liées aux voyages du HCSP: « On a des épidémies dans nos hôpitaux liées à des entérobactéries résistantes au carbapenem et dans 85% des cas, elles sont liées à un cas d’importation. »
La menace de la dengue et du chikungunya
Cependant d’après les spécialistes, les maladies d’importation qui actuellement inquiètent le plus les experts restent tout de même la dengue et le chikungunya. Selon eux, le risque n’a jamais été aussi proche car les Antilles sont déjà victimes d’une épidémie depuis plusieurs semaines et le moustique tigre, vecteur du virus, est solidement implanté en métropole. C’est pourquoi il est primordial que toute personne de retour de voyage d’une zone endémique présentant au moins 1 symptôme de dengue ou de chikungunya soit signalée auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) et fasse par la suite l’objet d’une demande de confirmation biologique. Et pour protéger la France de l’implantation de ces maladies, il est nécessaire que ces signalements aient lieu le plus tôt possible afin de permettre une intervention rapide des autorités et d’éviter la dissémination du virus. En laissant des malades trop longtemps dans la nature, les choses peuvent dégénérer très rapidement.
Ecoutez le Dr Francis Charlet, responsable du département de veille et de sécurité sanitaire à l'ARS Paca : « Quelqu’un qui est porteur du virus peut se faire piquer ici par un moustique sain qui lui, va aller contaminer une ou dix personnes. En Italie, à partir d’une personne malade on a eu 300 cas de chikungunya. »
Les symptômes qui doivent alerter
A ce jour d’après les spécialistes, la dengue et le chikungunya ont donc un potentiel d’introduction en métropole beaucoup plus fort que les années précédentes. Alors que l’on compte actuellement 2 à 3 fois plus de cas importés que les saisons antérieures, dans le cadre de ces nouvelles recommandations les spécialistes précisent les symptômes qui doivent faire penser à la dengue ou au chikungunya. « Il faut y pensez devant quelqu’un qui revient d’une zone endémique et qui souffre, dans les 15 jours qui suivent, de façon brutale d’une fièvre supérieure à 38,5 associée à une éruption cutanée généralisée, explique l’infectiologue Eric Caumes. Quand il s’agit du chikungunya il y a fréquemment des douleurs articulaires associées, beaucoup moins dans la dengue où ce sont plutôt des douleurs musculaires ».