Elle avait déjà dit non une première fois, elle dit non une deuxième fois au PSA systématique pour les sujets à risque. Pour ces patients, comme pour la population générale, la Haute autorité de santé est défavorable au dépistage individuel du cancer de la prostate au moyen d'u test sanguin dosant l'antigènee prostatique spécifique(PSA).
Les arguments de la HAS sont simples : il est pour le moment quasiment impossible d'identifier des populations à haut risque de cancer de la prostate. Certes, plusieurs études ont fait ressortir trois principaux facteurs de risques. Les hommes ayant des antécédents familiaux de cancer de la prostate – un père ou un fils atteint – seraient par exemple plus à risque de développer eux-mêmes ce cancer. Autre facteur de risque : l’origine africaine. Enfin, l’exposition à certains produits tels que des pesticides pourrait là aussi représenter un facteur de risque. Cependant, les scientifiques restent prudents. Il est encore prématuré de faire un lien direct entre eux et le cancer de la prostate. Face à une telle incertitude, impossible donc de dire si un dépistage ciblé sur des populations présumées à risque réduirait la mortalité par cancer de la prostate.
Pour autant, est-ce que les outils de dépistage du cancer de la prostate, et notamment le dosage du PSA, sont inutiles ? Le PSA, une substance fabriquée naturellement par la prostate, est présente dans le sang de tous les hommes. Lorsque la prostate ne fonctionne pas normalement, le taux de PSA s’élève dans le sang. Une simple prise de sang permet de le mesurer. Alors faut-il renoncer à faire des dosages de PSA chez les hommes de plus de 50 ?
Pr Jean-Luc Harousseau, Président du collège de la HAS : « Le PSA est très utile chez des hommes qui ont déjà des symptômes de cancer de la prostate. »
Depuis plusieurs années, les pro et les anti-dépistage s’affrontent. Les uns brandissent une étude américaine qui montre que le dépistage du cancer de la prostate n’a aucun effet sur la mortalité. Les autres leur rétorquent qu’une récente étude européenne est arrivée à la conclusion inverse : le dépistage organisé permet de réduire de 20% la mortalité par cancer de la prostate. Aujourd’hui, la HAS a tranché mais elle ne fait pour autant l’unanimité. L’association française des urologues (AFU) campe sur ses positions et affirme que le dépistage individuel doit être maintenu. Quant à François Desgranchamps, chef du service d'urologie à l'hôpital Saint-Louis, il a participé à une campagne choc en faveur du dépistage de masse lancé par le journaliste Michel Cymes. Ils faisaient partie des 14 médecins à s'afficher en caleçon, l'index levé, pour promouvoir le toucher rectal et le dosage du PSA. Pour lui, cet examen sanguin n'est certes pas parfait mais il a toute sa raison d'être.
Pr François Desgranchamps, chef du service d'urologie à l'hôpital Saint-Louis : « Un homme de 45-50 ans avec un taux de PSA très bas a très peu de chance de développer un cancer. Pour lui, inutile de poursuivre les examens. »
En revanche, les urologues qui défendent le dépistage et la HAS se rejoignent sur un point : il faut informer les hommes des inconvénients auxquels ils s'exposent s'ils veulent un dépistage. Le premier de ces risques, c’est ce que les médecins appellent des « faux-positifs », autrement dit détecter un cancer là où il n’y en a pas. L’homme subit alors inutilement des examens de confirmation, telles que des biopsies. Le deuxième risque, c’est celui de faire subir des traitements lourds à des patients qui ont un cancer peu évolutif.
François Desgrandchamps: « il faut continuer de dépister les plus de 50 ans parce qu’en les soignant, on leur sauve la vie ».
Cependant, la HAS pourrait peut-être faire une exception à la règle édictée. En France, le cancer de la prostate est le 3ème cancer le plus meurtrier... Sauf en Guadeloupe où il est la première cause de mortalité par tumeur chez l'homme. Un pesticide, le chlordécone, pourrait être responsable de cette particularité. Si des études en cours confirment que ce pesticide est bien la cause du cancer de la prostate en Guadeloupe,la HAS pourrait alors envisager un dépistage organisé sur cette population à risque.