Nom, âge, sexe, adresse, motif de consultation, médicaments prescrits sur l’ordonnance, nom du médecin, nom de la mutuelle … Toutes ces informations sont communiquées à l’Assurance maladie lorsque vous vous rendez à la pharmacie via la feuille de soins ou votre carte vitale. Idem lorsque vous êtes hospitalisé, l'Agence de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) centralise la raison de votre venue, la durée du séjour, sexe, âge et quels sont les médecins qui se sont occupés de vous. Qui a accès à ces données de santé si personnelles ? Marisol Touraine devrait changer les règles par la loi de Santé dont elle doit dévoiler les grandes orientations demain matin.
Un trésor de données bien gardé
Jusqu’à il y a peu, l’Assurance Maladie veillait assez jalousement sur son trésor de données, issues des 1,2 milliard de feuilles de soins venant chaque année abonder sa base. Les institutions publiques et les organismes de recherche ne pouvaient avoir accès qu’à certaines données agrégées, avec parfois plusieurs trimestres de délai. Mais l’affaire Mediator a marqué un 1er tournant car les données de l’Assurance Maladie auraient permis de repérer beaucoup plus tôt le mésusage du médicament comme coupe-faim. Bon nombre de spécialistes ont alors réclamé avec de plus en plus d’insistance une meilleure utilisation de nos stocks de données de santé à des fins de recherche et de vigilance sanitaire.
Une mine d'informations pour la sécurité sanitaire
Avancée partielle, depuis août 2013 les agences sanitaires (HAS et ANSM) ont accès à l’ensemble de la base et non plus seulement aux données agrégées. En revanche, les procédures d’obtention des données restent longues et complexes, pour les agences comme pour les chercheurs. Ce n’est pas forcément dommageable pour les études épidémiologiques mais pour la vigilance sanitaire, ce « temps de réaction » du système peut se révéler préjudiciable.
Cible de nombreuses critiques, l’Assurance Maladie se défend de faire de la rétention d’informations clés pour la santé publique et argumente pour justifier les accès qu’elle délivre au compte-goutte. Non seulement la taille de la base de données la rend très complexe à manipuler mais vu les données qu’elle contient, il est nécessaire d’en garantir l’anonymat.
Attention aux dérives potentielles
La donne devrait changer avec la loi de santé de Marisol Touraine. La ministre semble décidée à ouvrir l’accès aux données de santé aux institutions publiques, aux organismes de recherche et aux entreprises privées. Mais « il faudra distinguer les projets d’intérêt public et ceux dont la finalité est purement commerciale. Les données de santé n’ont pas vocation à améliorer la stratégie marketing des entreprises privées », a assuré la ministre récemment auditionnée par les sénateurs.
Cette piste d’accès à certaines données de la base moyennant finances pour les entreprises privées comme les laboratoires pharmaceutiques ou les mutuelles était également évoquée dans le rapport sur la gouvernance et l’utilisation des données de santé que Pierre-Louis Bras, inspecteur de l’Igas a remis à Marisol Touraine en début d’année. Mais il préconisait de distinguer dans la base les lots de données clairement anonymes, et donc publiables, des données indirectement identifiantes à protéger.
La commercialisation des données de santé apparaissait jusqu’ici être une ligne quasi infranchissable mais la situation a changé depuis que l’Assurance Maladie a perdu son précieux monopole sur nos feuilles de soins. Fin mai, le Conseil d’Etat a confirmé l'autorisation accordée par la CNIL à l’entreprise Celtipharm pour exploiter les données dans un but épidémiologique pour des clients comme la HAS, des équipes de recherche et des laboratoires pharmaceutiques. Pour l’Assurance Maladie, il y a donc non seulement un marché à prendre mais même déjà des concurrents sur les rangs !