La facture est lourde. L’exposition des Européens aux perturbateurs endocriniens, du bisphénol A au DDT en passant par les phtalates, coûterait 31 milliards d’euros par an à nos systèmes de santé, selon un rapport de l’Alliance pour la santé et l’environnement (Heal), une ONG européenne.
Les pathologies liées aux hormones en hausse alarmante
Pour parvenir à ce chiffre, deux économistes britanniques, Alistair Hunt et Julia Ferguson, ont d’abord estimé le coût des maladies et troubles liés au système déréglé par les perturbateurs endocriniens, le système hormonal. Il s’agit des troubles de la fertilité, des malformations génitales, des cancers hormono-dépendants (sein, prostate, testicules), des troubles du développement comme l’autisme et l’hyperactivité, de l’obésité et du diabète. Des maladies qui connaissent, selon les auteurs, une augmentation rapide voire alarmante pour les troubles du développement. Au total, ces maladies coûtent pour l'instant plus de 630 milliards d’euros par an aux systèmes de santé de l’UE.
La sédentarité, l’alimentation, le tabagisme ou le terrain génétique à risque jouent un grand rôle dans l’apparition de ces troubles et la part de responsabilité liée à l’environnement et plus particulièrement aux perturbateurs endocriniens est difficile à établir. En tenant compte des rares études de la littérature, les auteurs ont estimé la contribution de l’exposition aux perturbateurs endocriniens à 5%, ce qui équivaut à un surcoût de 31 milliards d’euros par an pour les 28 états-membres.
La France, 2e pays européen le plus touché
Particulièrement concernée par l’exposition au bisphénol A ou encore aux pesticides comme le chlordécone aux Antilles, la France paye un tribut particulièrement lourd aux perturbateurs endocriniens, estimé à 4 milliards d’euros par an. Selon le rapport publié par Heal, seul le système sanitaire allemand doit débourser davantage (5 milliards d’euros par an).
« 4 milliards d’euros d’économies liées à une simple réduction des expositions aux perturbateurs endocriniens identifiés seraient une économie substantielle et bienvenue dans cette période de contractions budgétaires », estiment les 3 associations françaises de l’Alliance, WECF, Générations Futures et le Réseau environnement santé. Ce dernier dénonçait mercredi le déni des autorités sanitaires françaises face aux dangers des perturbateurs endocriniens, expliquant que la France pointait à la 1e place mondiale en matière d’incidence des cancers hormono-dépendants. Le lendemain, en présentant les orientations de la future loi de santé, Marisol Touraine a indiqué la création d’un « comité interministériel pour la santé » pour permettre au ministre de la santé de faire partager, par l’ensemble du gouvernement, les priorités de santé et notamment de santé environnementale, dont « la lutte contre les perturbateurs endocriniens, l’usage intensif de pesticides ou encore l’amélioration de la qualité de l’air ». La ministre de l’écologie, Ségolène Royal, a également doté la France fin avril d’une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Elle prévoit notamment l’interdiction du bisphénol A dans les papiers thermiques (tickets de caisse et reçus bancaires) et le renforcement des contrôles visant les phtalates présents dans les jouets.
L'UE sous pression pour accoucher d'une définition
Une étape importante doit désormais se décider à l’échelle européenne : la définition des perturbateurs endocriniens. Le dossier s’est enlisé depuis des mois, les associations plaidant pour la définition la plus large possible tandis que les industriels militent pour n’inclure que les substances aux effets pathologiques démontrés pour restreindre la liste au maximum. Sous la pression de plusieurs états-membres dont la Suède qui a menacé de porter l’affaire devant la Cour de justice européenne, la Commission européenne a publié mardi sa feuille de route sur les perturbateurs endocriniens dont la 1e étape est d’établir cette définition règlementaire tant attendue. A partir de là, des directives pourront être définies pour réduire l’exposition des Européens aux perturbateurs endocriniens en imposant leur substitution par exemple dans les contenants alimentaires ou dans les pesticides.