La décision tant redoutée par les médecins du CHU de Reims est tombée. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a demandé mardi soir en urgence le maintien en vie de Vincent Lambert, contre l'avis rendu le même jour par le Conseil d'Etat. Dans un courrier, elle demande au gouvernement français « de faire suspendre l'exécution de cet arrêt pour la durée de la procédure devant la Cour », après avoir « pris connaissance de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat ». Conclusion, le protocole de fin de vie sur ce patient ne peut pour le moment pas démarrer. Un « soulagement » pour les parents de Vincent Lambert opposés à l'arrêt des traitements de maintien artificiel de la vie sur leur fils. Mais du côté du Dr Eric Kariger, en charge de ce patient en état végétatif chronique, c'est sans doute l'épreuve de trop.
Contacté par pourquoidocteur, il souhaite que la CEDH se prononce au plus vite sur ce cas. Selon lui, nul doute que les droits de Vincent Lambert sont bafoués.
Dans quel état d'esprit êtes-vous ? Est-ce l'épisode de trop ?
Dr Eric Kariger : Sur le plan déontologique, éthique, et humain, c'est un temps particulièrement douloureux. Il est vécu comme inutilement trop long. Aujourd'hui, il y a quand même un épuisement. Aussi bien du côté de son épouse, de ses proches, comme chez les médecins du CHU de Reims. Cette décision de repousser l'échéance à une date inconnue est la pire situation. Certains dans cette société ont oublié que le mort faisait partie de la vie. Or refuser la mort, c'est refuser la vie. Ces gens-là se trompent de combat.
Enfin, pour parler de Vincent Lambert, je pense qu'à l'instant où je vous parle, ses droits les plus élémentaires sont bafoués. Et son droit à ne pas subir une obstination déraisonnable est aussi bafoué. Cela alors que c'est un droit fondamental de l'homme. J'espère que la sagesse l'emportera et que la CEDH entendra notre message. Je n'ai aucun doute sur sa compétence et son sens des responsabilités.
Allez-vous changer quelques chose dans le prise en charge de Vincent Lambert ?
Dr Eric Kariger : Nous sommes en plein dilemme éthique. Un temps nous est imposé. Je suis respectueux du droit et de la justice. Et honnêtement je ne me sens pas la force de ne pas respecter ce temps supplémentaire. Même s'il est vrai que je le vis humainement et professionnellement très douloureusement. Nous allons continuer encore et encore à accompagner Vincent. Mais j'espère que les juges européens vont nous apporter une réponse très rapidement, quelle qu'elle soit. Je rappelle que tous les éléments pour juger rapidement cette affaire sont dans le dossier. D'après le Conseil d'Etat qui s'est appuyé sur la dernière expertise médicale, notre diagnostic était le bon.
Si l'Europe vous donne raison, le protocole de fin de vie sera-t-il douloureux pour Vincent Lambert ?
Dr Eric Kariger : Les patients dans l'état de Vincent Lambert n'ont plus la sensation de faim et de soif. Puisque ce sont des sensations cérébrales. Mais dans le doute, le principe de précaution nous oblige à soulager l'éventuelle sensation de déshydratation par des soins de bouche. Concernant l'alimentation, on ne meurt pas de dénutrition. Toutefois, le protocole nous impose d'arrêter les deux. Alors, le patient meurt de sa déshydration. Cela offre une mort douce au malade qui rebascule dans le coma, et il s'éteint des causes de son insuffisance rénale fonctionnelle. Ca n'a rien de douloureux, toutes les études le montrent. Un corps déshydraté est moins douloureux physiquement qu'un corps bien hydraté. De plus, dans le doute, une sédation identique à celle que l'on utilise souvent pour endormir les patients est également préconisée. Enfin, je rappelle que d'après la dernière expertise médicale faite par des experts, Vincent Lambert n'a pas conscience des souffrances de son corps.
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