Avant chaque greffe, un décompte se met en place : 24 heures précises. C’est le temps limite de conservation d’un organe. Mais cette durée pourrait être triplée. Une étude, publiée ce 29 juin dans Nature Medicine, présente une nouvelle méthode de stockage qui permettrait d’étendre la conservation d’un organe viable à 3 jours.
Stockés à -6°C sans geler
Depuis la première transplantation, il y a 60 ans, les greffes d’organes n’ont cessé d’évoluer, avec à chaque fois une limite : la viabilité des organes. Aujourd’hui, seules 24 précieuses heures doivent séparer le prélèvement et la greffe. Au-delà, l’organe n’est plus considéré comme viable, car le froid et la solution de conservation commencent à endommager les tissus.
Des chercheurs du Massachussetts General Hospital de Boston (Massachussetts, Etats-Unis) ont modifié la solution utilisée pour stocker les organes en attente de greffe. Toujours conservés par le froid, ils sont « alimentés » par une machine à perfusion qui leur fournit de l’oxygène et des nutriments. Y sont ajoutés deux composés spécifiques qui protègent l’organe prélevé du gel : le 3-O-méthyl-D-glucose et le polyéthylène glycol – connu pour être un antigel. Les organes sont ensuite doucement refroidis jusqu’à atteindre le point de gel (-6°C), mais sans geler. C’est le « supercooling » (super refroidissement) recherché par l’équipe. Stockés plusieurs jours, ils sont ensuite doucement réchauffés et de nouveau alimentés en oxygène et nutriments.
58 % de survie après greffe
Les essais réalisés sur des foies de rats ont été couronnés de succès. Les greffes à partir d’organes stockés à -6°C 3 à 4 jours ont permis aux rats de survivre 3 mois. Le taux de survie s’est établi à 48 %. Bien mieux que les spécimens qui ont reçu un organe non perfusé ni refroidi – qui n’ont jamais survécu à la greffe – ou que ceux qui ont reçu un organe perfusé avec un seul complément – qui n’ont pas excédé une semaine. « La prochaine étape sera de conduire des études similaires sur des animaux plus gros. C’est excitant d’observer de telles avancées chez de petits animaux, en recombinant et optimisant les technologies existantes », s’enthousiasme le Dr Rosemarie Hunziker, qui a participé à l’étude. « Il ressort que c’est que l’utilisation de toutes ces approches en même temps qui a permis de réussir. »
Dans la pratique, tripler la durée de vie d’un organe prélevé comporte de nombreux avantages. Cela permettrait de faire voyager les organes plus loin vers un receveur compatible, à tel point que les auteurs de l’étude envisagent des greffes « transcontinentales. » La technique permettait aussi aux patients et aux médecins de mieux se préparer à l’opération. Un élément clé quand on sait que sur 19 000 personnes en attente de greffe en 2013, seules 5 000 ont bénéficié d’une opération. Mais il faudra encore de longues années avant d’ouvrir cette méthode à l’être humain : des études sur des animaux plus gros seront nécessaires, puis il faudra adapter le protocole à des organes humains.